Interview avec Vida Nueva - Espagne
[Original - Anglais]
La pandémie nous a toutes forcées à faire face à une crise mondiale sans précédent, bouleversant nombre de nos projets et programmes prévus. Nous n'avons eu d'autre choix que de répondre de manière créative aux conséquences de la pandémie pour aujourd'hui et pour demain. Je considère cette situation comme un moment opportun pour explorer de nouvelles façons de rendre la présence et la mission de l'Assomption plus significatives et pertinentes. Le véritable défi consiste à discerner les " nouvelles formes " du charisme de l'Assomption qui feront de nous une source d'énergie positive et d'espoir prophétique pour un monde meilleur. Comme le dit le proverbe, "quand les racines sont profondes, il n'y a pas à craindre le vent". Cette nouvelle façon de vivre rend la présence guérissante de Dieu, sa justice et sa compassion plus visibles en ces temps difficiles.
Je ne me considère pas comme un expert en leadership dans la vie religieuse, mais je comprends le leadership comme notre participation au projet de Dieu. Les leaders sont appelés à donner aux membres les moyens d'être au service de la mission de Dieu. En me basant sur l'Evangile de Jean, j'ai proposé un modèle de leadership basé sur l'alliance et l'amitié comme le meilleur paradigme d'animation dans les congrégations religieuses. Le leadership est compris comme un service d'amour rendu entre amis et disciples de Jésus (Jn 15, 13-17). Ce modèle johannique d'animation apporte un aspect de réciprocité aux rôles de leadership : nous nous servons "les uns les autres" en tant que partenaires d'alliance dans la mission de Dieu. Dans une telle atmosphère, les relations sont mutuelles et collaboratives plutôt que hiérarchiques. Le charisme du leadership, plutôt qu'un contrôle venant d'en haut, inspire un travail d'équipe et un engagement total. C'est une animation de l'intérieur qui vise à construire une communauté pour la mission de Dieu : créer un monde plus humanisé. Les dirigeants ne ressentent alors pas leur mission comme un fardeau, mais leur animation devient une expérience remplie de grâce qui donne la vie en abondance à tous ses membres. Si ce modèle d'amitié offre l'espace et la liberté à chaque membre d'apporter sa contribution unique, il appelle également à la responsabilité. Il implique d’intégrer fermeté et compassion, justice et miséricorde. Ce n'est pas facile, mais pas impossible lorsque nous "marchons humblement avec Dieu" (Michée 6,8).
La façon dont le pape François anime l'Église m'inspire et me met au défi. Il est préoccupé par le bien-être de tous les peuples de Dieu. Les pauvres et les marginalisés, y compris les femmes, ont une place spéciale dans son cœur. Son désir d'une plus grande participation des femmes au processus décisionnel est évident dans ses récentes nominations de femmes à des postes auparavant occupés exclusivement par des hommes. Tout en appréciant chaque mesure prise par le pape François, j'ai le sentiment que nous avons encore un long chemin à parcourir pour assurer la place légitime des femmes dans l'Église. J'ai pleinement confiance que nous y parviendrons, lentement mais sûrement. Mon expérience en tant que membre de la Fédération de la Conférence des évêques d'Asie a été tout à fait extraordinaire, une expérience de communion dans laquelle des cardinaux, des évêques, des théologiens réfléchissent ensemble sans aucun ordre hiérarchique. Chacun a sa place, et la voix de chacun est écoutée avec respect, tous étant disciples de Jésus. J'ai participé au synode des évêques sur la nouvelle évangélisation en octobre 2012 sans avoir le droit de vote, et j'attends avec impatience le jour où tous les participants auront le droit de vote au synode. Je dirais que les femmes devraient jouer le rôle de "chercheuses d'opportunités" dans l'Église et prendre chaque ouverture comme un moment favorable pour apporter leur contribution unique à sa vie et à sa mission.
La vie religieuse ne mourra jamais, mais elle subira des changements radicaux dans le cadre de son évolution naturelle. Beaucoup de choses ont changé dans la vie religieuse depuis que j'ai prononcé mes premiers vœux : diminution du nombre de personnes, vieillissement des profils, diminution de la présence apostolique dans les institutions éducatives et autres. Il semble aussi y avoir une crise d'identité pour certains, une crise pour trouver un sens à la vie consacrée dans nos contextes culturels, religieux et socio-politiques changeants. Une question importante est de savoir comment donner un sens à ce qui s'est passé au cours des dernières décennies, et comment préserver un espoir réaliste et résilient dans la redéfinition de l'identité et de la mission de la vie consacrée pour notre époque. Une société plus intéressée à construire des murs que des ponts, polarisée et encline à la violence, a besoin du charisme ou des charismes de la vie consacrée. Notre communauté internationale, caractérisée par les valeurs évangéliques d'inclusion, de pardon, de justice et de miséricorde, sera un signe prophétique d'espérance pour notre temps.
Même si la population chrétienne est inférieure à 2,5% en Inde, l'Eglise apporte une contribution significative à la construction de la nation. Je ne sais pas si l'Inde est ou sera l'avenir de l'Eglise, mais nous avons développé une théologie contextualisée qui répond aux préoccupations de notre peuple et aux défis de notre temps. En tant que Supérieure Générale venant de l'Inde, j'ai une occasion en or de partager avec toute la Congrégation les fruits de ma formation théologique, notre option radicale pour les pauvres et les marginalisés, la richesse de nos contextes multi-religieux et culturels, et notre spiritualité intégrale et holistique.
Je pense que les deux rites - oriental et latin - s'enrichissent mutuellement. Les églises orientales ont des liturgies vibrantes, joyeuses et participatives. Nous grandissons en respirant l'air de la foi et recevons une solide formation à la foi pendant une période de douze ans à partir de l'âge de quatre ans. Par exemple, le dernier samedi saint, ma petite nièce, qui n'a que neuf ans, m'a appelé pour me demander : "La résurrection de Jésus est-elle réelle ?" C'est le genre de tradition de foi dont nous avons hérité. Je pense que plus nous sommes enracinés dans notre foi, plus nous pouvons être en communion avec les peuples d'autres traditions religieuses dans un profond respect mutuel. Nous avons également une longue tradition de vie interreligieuse harmonieuse au Kerala (Inde du Sud).
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