L’ouverture de Notre-Dame a été une source d’inspiration pour les laïcs et les religieuses qui composent l’Assomption. J’ai été profondément émue par l’attention que chacun a portée aux diverses célébrations qui ont marqué cette semaine.
Le lien entre Mère Marie Eugénie et Notre-Dame est profond et jalonne son chemin vers la sainteté. Une sainteté reconnue par l’Église universelle lors de sa canonisation, et aujourd’hui par l’Église de Paris, qui a souhaité inclure sa relique dans la consécration du maître-autel. La présence de reliques de saints et/ou de martyrs lors de la consécration des autels remonte aux origines du christianisme et porte un sens théologique profond. Ces reliques établissent un lien entre le sacrifice eucharistique — mémoire de l’alliance inaugurée par l’offrande du Christ sur la croix — et la vie de l’Église, dont les saints sont "la nuée de témoins" (Hébreux 12,1) qui rendent cette alliance tangible dans l’histoire.
Les médias sociaux nous ont permis de voir les flammes dévorer rapidement la toiture de la cathédrale de Paris. Nos cœurs se sont serrés en assistant à l’effondrement de la flèche et à l’amoncellement de fer fondu dans les entrailles de la nef, qui avait autrefois accueilli une jeune fille tourmentée par un “océan agité” de pensées pesantes et fatigantes [Notes intimes 151.01 - 1835]. Qui aurait pu imaginer que la Grâce qui l’attendait à Notre-Dame conduirait cette jeune fille de 19 ans à la foi, puis à une vie longue et entièrement consacrée au Dieu du Royaume et au Royaume de Dieu, à la sainteté ?
Répondre à l’appel commun à la sainteté dans l’Église, en suivant le Christ et en servant la transformation sociale, exige du temps et de multiples conversions. C’est un processus plus long que la restauration spectaculaire de Notre-Dame. Qui aurait pu penser qu’à peine cinq ans après l’incendie, une nouvelle flèche élèverait de nouveau la croix dans le ciel de Paris, que la pierre retrouverait sa blancheur originelle et que les vitraux exposeraient à nouveau toutes leurs couleurs, immergeant le visiteur dans la via pulchritudinis, chemin de la beauté vers le mystère de Dieu ?
C’est ce qui m’envahissait intérieurement hier, alors que j’attendais le début de la célébration, plongée dans tant de beauté. Afin d’être près de l’autel, notre communauté s’est levée très tôt, et nous avons attendu longtemps. Nous savions que nombreux seraient ceux qui viendraient vivre cette expérience. C’est ce qui est arrivé à Mère Marie Eugénie lors du carême de 1836. Elle se rendait toujours en avance à chaque conférence pour s’assurer une place. Comme nous hier, la Grâce a transformé les longues heures d’attente dans la nef de Notre-Dame en un kairos, un moment de rencontre avec Dieu, qui l’a conduite au salut.
En ce carême de 1836, les gens ne se rendaient pas à Notre-Dame tant pour admirer la beauté architecturale que pour écouter Henri Lacordaire (1802-1861), qui aimait se définir comme un “serviteur de la parole.” Lors des conférences qu’il prononçait, auxquelles Mère Marie Eugénie assistait, Lacordaire articulait les questions de ses contemporains et y répondait à la lumière de la Foi en Christ.
Ces conférences ont offert un véritable dialogue foi-raison dans l’“atrium des gentils.” Alliant rigueur théologique et passion ardente, Lacordaire illuminait les intelligences tout en enflammant les cœurs, articulant les vérités chrétiennes en dialogue avec les découvertes scientifiques du XIXᵉ siècle et les questions de sens surgissant du cœur humain. Il invitait son auditoire à découvrir le dessein d’amour créateur et rédempteur de Dieu, pour que la gratitude les libère du doute et les conduise à l’expérience de l’amour divin.
Cette rencontre avec Lacordaire provoqua en Anne Eugénie une expérience spirituelle qu’elle ne remettra jamais en question. Ce moment à Notre-Dame transforma sa vie, l’ouvrant à une réalité transcendante et jetant les bases de son cheminement spirituel. Cette expérience de conversion éveilla sa conscience religieuse et lui fit découvrir son identité nouvelle en Dieu et pour Dieu.
Cette expérience fondatrice reflète plusieurs aspects de la spiritualité de l’Assomption :
Bien que marquante, cette expérience à Notre-Dame n’était que le début. Il lui fallut beaucoup d’efforts pour se vaincre elle-même et se laisser façonner par Dieu, jusqu’à s’engager pleinement dans la mission qui lui était confiée.
Aujourd’hui, en tant que temple de pierres vivantes qu’est l’Assomption, nous avons la responsabilité de poursuivre cette construction. Que ce que nous avons célébré ces jours-ci nous rappelle notre consécration baptismale et nous inspire à répondre généreusement à l’appel à la sainteté, à la suite du Christ, en Église, au service du Royaume dans l’Assomption. Religieuses et laïcs, nous sommes les héritiers de cette spiritualité liée à Notre-Dame. Que cette reconstruction et cette réouverture nous inspirent dans le temps de refondation que nous vivons.
Mercedes Méndez, RA Responsable de la communication