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Eduquer au mouvement vers les périphéries

E eventmercredi 3 juillet 2024

C’est une grande joie pour nos collèges de Madagascar de vous partager cet article sur nos manières d’éduquer nos élèves au mouvement vers les périphéries ainsi qu’une expérience éducative mise en place pour aller vers les périphéries avec eux.La parole de Sainte Marie Eugénie nous interpelle beaucoup : « L’amour ne dit jamais: c’est assez » (d’après ME, n°1511). C’est amour nous pousse à aller vers les périphéries.

Pendant les temps forts liturgiques de l’Eglise, c’est-à-dire l’Avent et le Carême, les éducateurs au Collège Saint Joseph Ambohimahasoa expliquent et aident les enfants à avoir un esprit de solidarité, à aimer les autres, à faire des sacrifices pour soutenir les pauvres (surtout les enfants qui n’ont pas la chance de pouvoir aller à l’école et qui deviennent mendiants et dorment dans la rue).

Dans chaque classe, il y a une caisse pour que chacun mette l’argent économisé par ses sacrifices. Les élèves récoltent aussi de l’argent pendant ces temps forts de l’Eglise.

Ensuite nous regroupons ensemble tout l’argent récolté et nous achetons nourriture et vêtements pour pouvoir ensuite le distribuer. Ce sont les représentants des élèves qui sont chargés de cette distribution auprès des plus pauvres.

C’est souvent dans notre milieu social qu’il existe des écoles catholiques. Les parents des élèves participent pour les salaires des enseignants. Souvent les parents n’arrivent pas á payer la scolarisation de leurs enfants à cause de la pauvreté. Avec les conséquences du COVID-19, les parents ne paient plus, et jusqu’à maintenant c’est la paroisse qui donne une participation pour le salaire de ces éducateurs.

C’est ainsi que Sr Emma (Directrice), avec l’équipe éducative, a décidé d’aider les éducateurs. Le Vendredi 8 Janvier, nous avons invité les éducateurs à la Communauté. C’était une bonne occasion pour leur présenter « nos meilleurs Vœux de Noël et de leur souhaiter « une Bonne et Heureuse Année 2021 ». Ensuite les élèves ont offert un panier garni à chaque éducateur. Ces derniers étaient très reconnaissants de recevoir ainsi les fruits des sacrifices des élèves. Tous nous sommes appelés à vivre l’entraide et la communion avec les plus pauvres pour lesquels Jésus Christ a un amour préférentiel.

Voici une autre expérience éducative : nous aidons toujours nos élèves à avoir un esprit de partage. Avec leur participation toujours, on a acheté des craies pour les écoles plus pauvres que les nôtres. A l’école aussi, beaucoup d’élèves ne prennent pas de goûter. Nous éduquons nos élèves à partager avec ceux qui n’en ont pas. Donc, les élèves ont pris l’habitude de vivre ce partage. Concernant la vie spirituelle, chaque classe a l’habitude de consacrer un moment pour prier ensemble pour leurs amis en situation spéciale ou en deuil.

Et enfin, nous avons donné quelque chose pour les personnes qui vivent marginalisées dans les périphéries, avec l’audace d’aller à leur rencontre pour voir ce dont ils ont besoin et ainsi pouvoir les aider.

 

NOUS CONTINUONS NOTRE VOYAGE VERS LE SUD DE MADAGASCAR

Notre deuxième expérience se trouve à Andohanilakaka, là où on exploite le gisement de pierre précieuse, le Saphir. C’est une ville nouvelle. La population n’est presque composée que de migrants. Les personnes viennent du Nord, de l’Est et de l’Ouest de Madagascar. Donc, on peut dire que c’est une population cosmopolite. Mais l’ethnie la plus dominante est celle des Bar et des Antandroy. C’est ici que se trouve notre terrain d’éducation. Nous aimons notre temps, en même temps, nos aimons ces lieux géographiques.

Il faut savoir que la religion et l’Education à la Vie et à l’Amour (EVA) font partie du cursus scolaire dans les écoles catholiques. Notre école est ouverte à tous, à condition que les parents d’élèves, les enfants et les jeunes respectent la structure et le programme mis en place au sein de l’école. Pour les collégiens et les lycéens, nous avons consacré en tout quatre heures par semaine pour transmettre les valeurs chrétiennes et malagasy, présentes dans chaque objectif spécifique et adapté selon les âges des élèves. Pour les maternelles et les plus petits du primaire, cela ne dure que quinze minutes.

La Fihavanana est une valeur qui est caractéristique dans notre pays. Quand une famille vit un deuil, une maladie ou encore une grâce reçue… nous avons l’habitude de partager cette nouvelle. Celle-ci peut être annoncée par les collégiens ou les parents d’élèves ou encore la personne elle-même. A chaque fois que l’on se dit bonjour ou au revoir, on demande tout de suite des nouvelles. C’est ainsi que l’on connait ce qui se passe dans le quartier ou dans chaque famille. Les institutrices et professeurs, en réponse, cherchent à mobiliser nos élèves, en général appartenant a la même classe , ou ceux des classes du même niveau. Pour les autres, cela dépend des relations établies avec la ou les personnes touchées.

Comment se déroule le processus ?

En premier lieu, on informe tout le monde de la nouvelle qu’elle soit bonne ou mauvaise. Puis, on sensibilise les élèves concernés. Ensuite , on fixe une date pour aller dans le quartier correspondant. On fait aussi une collecte sous forme de quête. On fait savoir à tout le monde le montant récolté, celui-ci est mis dans une enveloppe que l’on remet à la (aux) personne(s) concernée(s). Pour nous, le plus important c’est en premier lieu l’union de cœur et d’esprit qui passe par la prière. Nous formons nos élèves à se sentir membres d’une promo et de le vivre avec un esprit de famille. Le responsable de chaque niveau a pour rôle d’animer la promo et de veiller à la communion entre ses membres. C’est vraiment un soutien moral. On s’encourage mutuellement dans les moments difficiles et on se réjouit avec l’élève qui a eu un succès ou une bénédiction.

Voici un exemple concret, il n’y a pas si longtemps, une déléguée de la classe de cinquième est tombée malade. Elle s’est tordue le pied droit pendant l’Epreuve Physique et Sportive (EPS). Elle ne pouvait pas rentrer ainsi chez elle. Sa promotion a cherché le moyen de résoudre ce problème, mais sans trouver de réelle solution. Certains d’entre eux sont allés rencontrer la Sœur responsable pour lui exposer la situation. Avec le professeur d’EPS aidé de quelques élèves, elle l’a donc emmenée en voiture chez le médecin. Ensuite, ils l’ont ramènée chez elle. Quelques élèves lui ont achèté des médicaments. Avant ou après les cours, un groupe d’élèves lui rend visite et suit l’évolution de sa santé. Ils prennent en charge la copie des cours faits en classe pour les lui remettre et lui expliquer ce qu’ils ont fait ainsi que les exercices. Cette élèves a été très touchée, émue, par ces gestes amicaux de la part des étudiants de sa promotion.

C’est très frappant de voir la réaction de nos jeunes. Après avoir dit bonjour, ils entonnent la prière pour que leur camarade retrouve la santé mais aussi pour tous ceux qui sont malades et souffrent dans le monde. J’aime faire connaitre que cette jeune fille, étudie dans notre établissement, leurs parents n’habitent pas avec leur fille. Cette dernière loue une maison qui n’est pas loin de l’école. Elle reste seule. Cependant le propriétaire assure le suivi sde ses études ainsi que de sa vie en général.Si nous avons choisi cet exemple c’est que cette jeune fille fait partie de ceux qui sont à la périphérie. Car elle habite seule, loin de ses parents. Ses parents travaillent dans le gisement de saphir, gisement qui est loin de l’endroit de notre établissement scolaire. Ils ne peuvent pas appeler au téléphone car l’endroit où ils se trouvent est isolé. Pour trouver un téléphone, ils doivent marcher longtemps. Ceci explique pourquoi cette élève ne pouvait pas informer ses parents de son accident en EPS. Seule ses camarades et le propriétaire de la maison savaient ce qu’elle avait. Elle souffrait beaucoup. Sa seule consolation fut la solidarité existante au sein de l’établissement, l’amitié forte avec ses camarades et l’encouragement de ses professeurs et du propriétaire de la maison.

L’école du Sacré Cœur se situe dans le District d’Antsirabe et dans la région de Vakinankaratra, dans le haut Plateau de Madagascar. Nous sommes dans le village de Manandona. Dans ce village, il y a onze écoles publiques, trois collèges et deux lycées. Nous essayons d’éduquer nos élèves à être ouverts aux autres et à penser toujours à un avenir meilleur. Chaque année, à chaque temps fort de l’Eglise, nous faisons un effort communautaire. De plus, les enfants du district ont une aide annuelle de la part de l’Enfance missionnaire, il nous semble donc important de leur apprendre à ne pas toujours recevoir mais aussi à donner « car il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ».

Avant la fin de l’année liturgique 2020, nous le corps enseignant avons réfléchi ensemble à la manière de vivre l’Avent 2020 avec nos élèves. Nous avons cherché à les aider à avoir une pensée large et à aimer autrui, parce qu’à l’école les enfants et les jeunes apprennent à vivre en société. Dans le monde d’aujourd’hui, nous vivons le « chacun pour soi ». Pour vivre les défis de notre temps nous éduquons surtout nos jeunes à aimer notre temps et notre Eglise. C’est pourquoi les enseignants avec les délégués de classes ont décidé ensemble après un long débat de faire une quête pour L’Enfance missionnaire, pour que notre geste de solidarité et d’amitié soit pour des enfants qui sont d’autres pays. Notre petite contribution va réjouir nos amis. De ce fait, pendant le mois de novembre dernier le surveillant général ainsi que la responsable de l’école ont fait l’animation chaque lundi pour encourager nos élèves à offrir le peu qu’ils ont pour aider les autres ou des plus pauvres qu’eux. Ensuite, chaque responsable de classe anime sa classe pour contribuer à ce projet. Chaque classe a sa cagnotte pour récolter quotidiennement le don venant de chaque élève. C’est émouvant de voir, de temps à temps, les petits donner leur goûter. Ils sentent que le petit sacrifice qu’ils effectuent amène du bien aux autres qui n’ont rien à manger. Le 17 Décembre 2020, c’était la messe de Noël pour l’Ecole, on a mis ensemble les efforts de chaque classe. Durant l’offertoire, chaque représentant de classe a apporté la cagnotte de sa classe en dansant avec joie. C’est un immense bonheur que nous avons pu voir sur le visage des uns et des autres. Nous, éducateurs, nous étions nous aussi ravis en voyant leur gratuité et leur joie de donner une part de leur vie au Seigneur et à autrui. Après l’action de grâce, nous avons offert au Prêtre Aumônier de l’école catholique du district notre collecte pour qu’il puisse l’offrir au responsable de l’Enfance missionnaire du Diocèse.

Ensuite, dans notre pays, au nouvel an, les familles se visitent les unes les autres et ils font un repas familial pour se souhaiter une bonne année et présenter aux parents leurs meilleurs voeux pour l’année qui vient. On célèbre ensemble le « ASARAMANITRA » comme dit le Malagasy. Cette année, les élèves de la classe de cinquième ont organisé une petite fête à l’école pour marquer le nouvel an 2021. Durant la rencontre, les élèves ont proposé de choisir une personne pauvre pour lui souhaiter une bonne année et lui apporter quelque chose. Après avoir discuté longuement, ils décident de visiter une personne d’un quartier des alentours. Ils ont trouvé une grand-mère, âgée de 93 ans, qui cohabite avec ses petits enfants. Ils se sont encouragés et se sont mobilisés ensemble pour que chacun apporte ce qu’il pouvait offrir (comme par exemple : pomme de terre, manioc, nouille, riz blanc, savon, argent...).

Soeur Antoinette, animatrice en EVA (Education à la Vie et à l’amour) et la responsable du Lycée les ont accompagnés.

En recevant cette offrande, la grand-mère était vraiment touchée du geste de ces jeunes. Elle avait les larmes aux yeux face à ce geste inattendu de la part des élèves. Elle les a remerciés et leur a souhaité d’avoir un avenir meilleur. Elle a encouragé les jeunes à continuer leurs études avec sagesse et audace, à toujours poser le regard sur ceux qui les entourent et sont dans le besoin, à développer ces gestes de solidarité dans la société où ils sont. Elle a insisté beaucoup sur le fait que notre pays actuellement a besoin de ces jeunes, de leur amour pour donner un bon témoignage auprès de ceux qui ne pensent qu’à eux et leur famille. Madagascar a besoin des jeunes qui ont bon cœur comme eux. A leur tour, tous les élèves ont été contents de partager ce qu’ils avaient collecté, de recevoir la bénédiction et l’encouragement d’une personne âgée comme elle car la bénédiction est importante pour les Malagasy. Ils sont partis avec le cœur léger et plein d’allégresse. Nous étions tous ravis de voir ainsi sur tous les visages la joie à la suite de ce partage. Nous avons terminé la rencontre avec la prière.

Pour nous c’est une manière de vivre concrètement, par des gestes d’amitié et de fraternité, que nous appartenons au même corps, le Corps du Christ. Nous retenons que les élèves ont une sensibilité à la vie de la société et qu’ils ont le goût d’aider plus faibles, pauvres qu’eux.

Ce n’est pas seulement les élèves qui essaient de s’ouvrir aux autres et à ceux qui vivent aux périphéries de nos sociétés, les éducateurs aussi se sentent concernés pour apporter leur contribution dans l’éducation des jeunes. C’est une coutume pour notre école de choisir,chaque année, une journée par semestre (en janvier et en mai) pour aller visiter les parents d’élèves. Chaque éducateur visite quelques parents de sa classe. L’objectif est de chercher ensemble les moyens propices pour améliorer la vie de l’élève ainsi que ses études. C’est un moment précieux pour rencontrer et dialoguer avec les parents sur les études et le comportement de leurs enfants, et aussi d’examiner ce qui peut faire obstacle dans le développement et les études de l’élève. Durant la rencontre chaque responsable profite pour proposer des solutions quant aux problèmes scolaires et transmettre le dernier programme de l’école ou les changements faits suite à la rencontre mensuelle des enseignants. Habituellement le problème dans l’éducation est le manque de rencontre entre les parents et l’école, le manque de compréhension entre les jeunes et leurs parents face à la mondialisation. Les parents sont contents de cette visite à domicile car, en général, ils sont trop occupés par les soucis de la vie quotidienne de la famille, de la recherche de nourriture ou pour s’habiller. Ils n’ont pas le temps pour aller discuter avec les éducateurs à l’ecole. Après la visite des parents, l’école organise un temps d’évaluation et de relecture pour que la journée de visite ne soit pas un temps perdu mais un temps profitable pour chercher ensemble les moyens d’améliorer notre éducation, et pour que notre éducation touche la réalité quotidienne. Pendant la relecture, les conseils des professeurs prennent des décisions pour renouveler l’enseignement. C’est à eux de signaler s’il y a des élèves ou des parents qui ont besoin de rencontrrer la directrice de l’école. Pour nous, cette visite à domicile apporte beaucoup pour le développement et l’aide réservée aux élèves et aux parents. Cela aussi diminue les problèmes rencontrés dans l’établissement et dans les familles.

En bref, Tout le monde : élèves, parents, éducateurs ont un noble devoir à réaliser par rapport à l’éducation de nos jeunes actuels. Mais les éducateurs assurent une grande responsabilité parce que les jeunes vont construire la société de demain. Nous devons explorer les moyens opportuns à leur caractère, à leur mode de vie et à leur possibilité pour qu’ils se sentent responsables de leurs voisins, de leurs contemporains.

 

SŒUR EMMA IGNACETELYNE

Référente pour l’Education de la Province de Madagascar

Original français