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Travailler ensemble ? C’est possible !

T eventdimanche 17 novembre 2024

Un travail collaboratif permet une meilleure appropriation des connaissances ainsi qu’une belle rencontre- presque- intergénérationnelle.

J’enseigne l’anglais dans un lycée du réseau Assomption depuis 2008 et j’ai en charge la spécialité Langues Littérature et Cultures Etrangères en terminale. Comment faire pour que des adolescents se rendent compte qu’ils ont déjà un rôle important à jouer dans leur environnement ? Comment rendre concrets leurs apprentissages ? Comment les aider à mûrir ? Comment les accompagner dans cette démarche de construction ? Comment encourager leur esprit créatif et artiste ?

Voilà tant de questions auxquelles je suis confrontée au quotidien dans mon métier.

Au programme de spécialité de la terminale, l’une des « thématiques » obligatoires m’a aidée à répondre au moins partiellement à ces questionnements : « Expression, construction de soi- Initiation, apprentissage ».

Au travers d’œuvres picturales, de fiction, cinématographiques ou d’après des faits réels, mes élèves ont découvert comment l’enfant qui est en nous est guidé par un « rôle model » et comment il guide aussi l’adulte, en gardant ses rêves et son regard curieux et plein d’espoirs, quel que soit l’environnement, hostile ou bienveillant, ici ou ailleurs, hier ou aujourd’hui.

Et tout cela en anglais, of course !

Une de mes collègues enseigne également l’anglais dans un collège à Paris et nous avons décidé de faire se « rencontrer » nos élèves, si loin et si proches les uns des autres.

Des élèves de sixièmes écrivent des cartes de vœux à des élèves de terminale

Ma collègue a fait faire des cartes de vœux de nouvel an à ses élèves de sixième. C’est une tâche qu’il savent faire en cours de première année d’apprentissage : se présenter, ses goûts, sa famille, ses origines, ses hobbies, etc. Ils sont donc capables de communiquer avec une tierce personne, même si c’est de manière succincte. Leur consigne était d’écrire une carte de vœux de bonne année à un élève de terminale, afin de se présenter et de faire connaissance. Ils devaient également illustrer leur carte : un travail complet, faisant donc appel également à des compétences artistiques, car le travail devait être soigné sur tous les plans.

Ma collègue m’a ensuite fait parvenir les cartes de ses élèves, cartes que j’ai distribuées à mes élèves. Ceux-ci étaient impatients car je leur avais dit que je leur réservais une surprise et ils ne savaient pas de quoi il s’agissait, et étaient donc bien curieux de savoir quelle pouvait bien être cette fameuse « surprise » !

J’ai alors distribué les cartes des « petits » à mes « grands » (que j’appelais mes « vieux » pour rire… l’écart d’âge entre un élève de sixième et celui d’un élève de terminale est si grand qu’il y a presque un fossé de générations !). Mes élèves devaient prendre connaissance de la consigne donnée aux sixièmes et évaluer leurs cartes en prenant bien en compte le niveau attendu en cours de l’année de sixième. Ce n’était pas si facile qu’il paraît, car il faut être bien certain de ce qui est attendu à ce niveau. Il fallait également faire un commentaire sur le travail. Le commentaire non plus n’était pas facile à rédiger, car chacun devait veiller à être juste et à commencer par une remarque positive pour encourager les élèves à comprendre ce qu’ils font de bien pour les aider à améliorer ce pour quoi ils sont moins performants.

Les tuteurs de terminale répondent aux petits sixièmes

Puis à leur tour mes élèves devaient répondre à leur petit correspondant en utilisant des tournures et un vocabulaire juste un peu plus complexe que celui utilisé par l’élève de sixième, afin de stimuler l’envie d’apprendre sans pour autant les décourager par une expression trop compliquée à comprendre.

En ramassant les travaux de mes élèves, j’ai été touchée de voir à quel point ils avaient pris leur rôle de tuteur avec sérieux : les cartes étaient toutes plus belles les unes que les autres, certains élèves ont fait des illustrations remarquables et tous ont écrit une carte claire, sympathique et très personnelle. Plusieurs m’ont posé des questions au moment de la correction ou au moment de la rédaction afin d’être certains de ne pas se tromper. Deux élèves n’étaient pas au lycée le jour où le travail devait être remis, mais elles se sont organisées pour me les faire parvenir à temps car elles savaient que je devais tout renvoyer rapidement, sachant que les « petits » commençaient à trouver le temps long !

De plus, ce travail n’était pas noté (difficile d’évaluer de façon chiffrée ce type de travail), et pourtant mes élèves l’ont fait avec conscience et se sont investis pleinement.

Des photos de groupe ont été échangées entre ma collègue et moi, afin que nos élèves puissent se voir tout de même.

Quelles conclusions tirer de ce travail collaboratif ?

Elles sont multiples, bien entendu. La collaboration, l’entraide, la coopération la co-évaluation, toutes ces valeurs essentielles aux processus d’apprentissage ont été mises au premier plan dans nos deux classes. Le fait de ne pas être « récompensé » par une note (qui plus est pour des terminales, bien inquiets d’obtenir de bons résultats pour leurs études à venir) montre clairement une chose : nos adolescents sont beaucoup plus altruistes et généreux qu’on veut bien nous le faire croire ! Et non seulement altruistes, mais capables d’empathie, naturellement : se mettre à la place d’un plus petit que soi et savoir lui donner ce dont il a besoin pour l’aider à grandir (et grandir soi-même, bien entendu), quelle marque de maturité et d’humanité !

Ma collègue et moi-même avons juste eu à donner les outils nécessaires à ce travail mais ce sont nos élèves eux-mêmes qui l’ont effectué, preuve qu’ils sont désireux d’apprendre, de grandir et qu’ils évoluent dans un climat de confiance propice aux apprentissages.

Merci à ma collègue du collège Saint Georges à Paris, et merci bien entendu à mes élèves de terminale de spécialité LLCER du lycée Saint Ambroise à Chambéry.

 

Frédérique Lévêque et Elvire Crespo

Professeurs d’anglais au lycée Saint Ambroise- Assomption Chambéry

Mots clefs : métacognition- collaboration- entraide- tutorat- joie de partager- altruisme