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Trésors d'Archives nº7 - L’huile de la pauvreté et de la joie. Les premières années de l’assomption en Inde

T eventlundi 22 juillet 2024

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L’HUILE DE LA PAUVRETE ET DE LA JOIE. LES PREMIERES ANNEES DE L’ASSOMPTION EN INDE

Introduction

 Aux Archives se trouvent un certain nombre de documents qui permettent de découvrir la fondation de l’Assomption en Inde. En particulier, le récit écrit par Sr Alphonse qui est mis à disposition sur notre site et qui vous permettra de poursuivre votre découverte après avoir lu cet article. « Pourquoi donc aller dans ce pays si chrétien ? C’est précisément pour répondre à l’appel de l’Eglise qui veut faire de cette région un foyer de formation chrétienne et missionnaire d’où partiront des apôtres vers d’autres parties de l’Inde où les besoins sont pressants (…) A Pala, on nous demande d’avoir un foyer universitaire et une maison d’accueil et de retraite… », écrivait Mère Josefa Ignacia après son premier voyage en Inde[1].

 

Article

 L’histoire avait commencé quelques années plus tôt. La Congrégation avait alors finalisé le projet d’établir l’Assomption en ce pays mais cela n’avait pas pu se faire car le gouvernement indien  refusait l’entrée aux étrangers. Le Père Jacob Kattackal, qui vivait à Rome et célébrait régulièrement l’eucharistie à Viale Romania, proposa à ses deux sœurs, Aleykuuty and Marykutty (qui deviendraient Sr Elsy Thomas et Sr Mary James), de venir à Paris pour entrer chez les Sœurs de l’Assomption dont la spiritualité et l’internationalité le touchaient.  Arrivant de l’Inde lointaine, elles s’arrêtèrent d’abord à Rome, cœur de l’Eglise, et restèrent deux semaines à Viale Romania avant de prendre le train pour Paris.

 Par l’intermédiaire du même Père Jacob Kattackal, Mère Marie Denyse rencontra l’évêque de Pala qui invitait l’Assomption à ouvrir une maison de prière dans son diocèse. Il promit d’envoyer d’abord des candidates indiennes. Et il le fit ! Le premier groupe des « élues » (Agnes Jacob Kottoor, Rose Joseph Njavalliputhenpurayil, Therese Koottiyanil, Lizzie Thalanani and Rosa Tresa Ayathmattom)

 se prépara pendant 4 mois en Inde, aidé par la Congrégation de la Mère du Carmel (CMC) avant de partir pour Paris le 21 octobre 1961. L’évêque continua à envoyer des sœurs jusqu’en 1967. Même si beaucoup des jeunes quittèrent ensuite le couvent, « les premières pierres de la fondation en Inde étaient taillées et polies à Paris ». A Paris, puis en Angleterre ou aux USA pour certaines d’entre elles, elles furent formées à la théologie mais aussi à la pédagogie Montessori, qui était alors en plein essor.

 C’est à ce moment-là que Mère Josefa Ignacia et Mère Laurentia s’arrêtèrent en Inde et découvrirent de leurs propres yeux l’immense champ de mission qui attendait l’Assomption dans ce pays. Après ce contact direct, les premières jeunes sœurs firent leur profession perpétuelle à Auteuil le 25 juillet 1968. Et la première communauté fut désignée. Il s’agissait de Sr Mary James, Sr Elsy Thomas, Sr Rose Joseph, Sr Therese Immaculate, Sr Ani Jose and Sr Stella. Sr Cristina Augusta, une sœur Philippine qui était conseillère générale, fut nommée Supérieure mais dut attendre quelques mois avant d’obtenir son visa. Elle rejoignit les sœurs un peu plus tard. Le premier groupe arriva donc à l’aéroport de Cochin le 17 octobre 1968 : « Quel touchant spectacle frappe nos regards quand l’avion se pose à Cochin, le 17 octobre. La foule nombreuse de nos familles et de nos amis remplit le petit aéroport. Accueil chaleureux, émouvant ! On pleure de joie ! »[2] Parmi la foule qui les accueillait se trouvait le chancelier de l’Evêque de Pala. Après les visites d’usage, les sœurs ont séjourné un moment chez les sœurs de l’Adoration du Saint Sacrement. Elles se sont finalement installées dans leur première maison le 23 novembre 1968. « Dès le début, elles établirent un modèle de vie simple et austère, rappelant la vie de la première communauté de l’Assomption en 1839 ! Elles étaient heureuses avec le minimum d’installations de la maison. Elles cuisinaient, lavaient et faisaient les courses elles-mêmes, ce qui était inédit pour la plupart des couvents du Kerala à cette époque. »[3] 

 Mère Cristina Augusta arrive finalement le 23 janvier 1969 et les sœurs essaient de vivre en contact avec la population locale, fidèles à la vie contemplative. Dans une de leurs premières lettres, elles partagent ce que disent les prêtres passant dans la maison : « Gardez surtout votre esprit contemplatif tel qu’il est, il est votre force. C’est cela qui manque dans la vie religieuse aujourd’hui… »[4]

 Dans leurs premières lettres, on peut trouver les récits de deux rencontres qui ont certainement inspiré les fondatrices. Un ermite qui vivait dans un monastère bénédictin vint rendre visite à la communauté. Il était un « poverello » des temps modernes et il laissa cet appel à la communauté : « Il nous a supplié de commencer notre œuvre pauvrement, selon l’Evangile. Il dit que Pala a besoin d’apôtres qui sachent former les jeunes filles à se donner dans l’esprit missionnaire »[5]. Plus tard un autre chercheur de Dieu, Saddhu Ittyavirah, leur rend visite. Il vit en itinérance, sans demeure permanente, résumant sa vie à une présence et un amour offerts aux pauvres, une vie qui trouve son point culminant dans la prière… “En nous quittant, Saddhu Ittyavirah nous a surtout recommandé de continuer notre apostolat le plus efficace : le rayonnement de la joie”, écrivent les habitantes du Prieuré de la Joie[6]. Le nom de leur couvent est bien choisi !

 Ainsi contemplation, pauvreté et joie semblent être trois pierres de fondation importantes au cours de ces premiers mois en Inde, marqués, il est vrai, par le changement, le mouvement et le déplacement. La première difficulté, liée à l’obtention des visas, est de trouver une stabilité pour la composition de la communauté et les personnes appelées à en assurer le leadership : Mère Cristina Augusta est remplacée après un an par Mother Natividad Maria, une autre sœur des Philippines, qui obtient un visa de 3 ans. Après elle, viendra Sr Myriam Selz, de France, qui arrive en 1972, une manière sans doute de vivre l’esprit d’itinérance de la vie spirituelle.

 Une autre marque de l’itinérance à laquelle les sœurs sont appelées est la recherche pour définir la mission que Dieu leur réserve. Cette recherche est un état d’esprit constant dans l’histoire de la Province. Elles avaient été appelées pour fonder une maison de retraite spirituelle mais ce n’est pas tout à fait le bon lieu et elles manqueraient de public. C’est donc un foyer pour jeunes étudiantes qu’elles ouvrent en juin 1971. D’emblée, la couleur « Assomption » est donnée : il s’agit de développer le sens de responsabilité des jeunes, de former le caractère et l’esprit de service. Les étudiantes font la vaisselle, nettoient la maison, ce qui n’est pas du goût de tous les prêtres ni de certains parents. Mais la relation personnelle, l’intérêt pour chaque étudiante et la qualité d’accompagnement remportent un vif succès. Le foyer est bien rempli !

 Dans la mouvance de Vatican II, se dessine ensuite le besoin d’un centre de renouveau spirituel. Sous l’impulsion de l’Evêque et en collaboration avec 4 autres Congrégations, les sœurs ouvrent Jyothis Theological College, le 17 août 1972. La première année, 40 sœurs seront résidentes. Le mot « Jyothis » vient du Sanskrit et signifie « étoile », sagesse, « ciel ». On y voit un lien avec Marie en son Assomption. Sr Myriam Selz, dès son arrivée, assure la direction de Jyothis College et Sr Lizzie devient la première maîtresse des novices. Après les années de fondation, la vie peut se répandre et se partager avec de nouvelles jeunes vocations.

 C’est un temps de longue exploration apostolique qui commence. Les sœurs vont apprendre de leurs expériences, en parcourant infatigablement une partie de cette « vaste terre aux variétés infinies »[7].

 Beaucoup d’invitations arrivaient pour une fondation hors du Kerala ; c’est grâce à la rencontre avec un prêtre enthousiaste que se décida la fondation à Punjab, dans le diocèse de Jullundar, dont l’Evêque était capucin. Les catholiques y étaient peu nombreux et vivaient dans des villages éloignés, répandus dans tout le diocèse. « Les familles, nombreuses pour la plupart, habitant en une seule pièce : 4 murs en terre battue avec un toit plat, pas de fenêtres, seulement une porte. »[8]  Les prêtres aussi y étaient peu nombreux et de ce fait, portaient la charge d’une lourde mission.  Le nouvel Evêque cherchait « une Congrégation qui veuille bien envoyer 3 ou 4 sœurs partager la vie des villageois en s’installant parmi eux. Par leur exemple tout autant que par leur enseignement, les Sœurs arriveraient peu à peu à élever le niveau de vie de ces pauvres gens. »[9] C’est donc pour une présence religieuse dans les villages, dans lesquels aucune autre Congrégation féminine ne s’était risquée auparavant, que l’Assomption est appelée.  Le 1er septembre 1972, lorsque les sœurs (sœur Alphonse, Sr Elsy Kattackal, Sr Rosily Kottaram, Sr Jaya qui était alors postulante et une autre postulante) se lancèrent dans cette aventure, « la foi était leur seule force et le seul soutien et elles firent confiance à la Providence de Dieu qui ne les abandonna pas. »

 Elles s’installèrent dès leur arrivée à Mukstar dans un petit appartement de deux pièces, au premier étage d’un bâtiment dont le rez-de-chaussée servait à de multiples célébrations. On bénit les lieux le 8 septembre en les plaçant sous le patronage de Notre Dame du chemin. Et le chemin commença vraiment ! Les prêtres et les catéchistes les accompagnaient dans les villages des alentours. « A travers ces visites, elles entraient dans un nouveau monde, le monde des pauvres et des illettrés. »[10]  Vers les villages les plus éloignés, on partait en chariots à bœufs, en tracteurs ou à pieds.

 Cette expérience ne dura pas longtemps mais les sœurs commençaient à discerner le besoin profond de la société indienne et le désir d’une perspective plus sociale pour l’Assomption, en harmonie avec l’option préférentielle pour les pauvres qu’avait réaffirmé les dernières réunions internationales.

 A Pala, le champ de mission s’était aussi élargi : on avait ouvert une école Montessori, en Malayalam et anglais, où l’on pouvait accueillir riches et pauvres, grâce à un système de tarifs adaptés à la possibilité des familles. L’accent était mis sur l’éducation aux valeurs. Le foyer des jeunes étudiantes, Jyothis College pour la formation continue et l’école Montessori traçaient l’empreinte de l’Assomption sur cette petite partie de la terre d’Inde.  Tout était prêt pour une nouvelle étape qui se concrétisa lors du Chapitre Général de 1976 : l’Inde devint une Province ; Sœur Chantal Emmanuel Greindl, belge, fut nommée Provinciale et un premier Chapitre Provincial se tint du 13 au 20 mai 1977 à Poona. La même année, la Province décida de choisir le Sari comme habit religieux : un signe supplémentaire de proximité.

 Au cours des années qui suivront, avec les villageois, les pêcheurs, les femmes, les enfants, l’Assomption en Inde ne cessera de chercher encore afin de prendre sa part à l’évangile du Christ, auprès des pauvres. En 1970, alors que la communauté de Pala attendait de commencer son apostolat et vivait « la vie de la Vierge au Temple », les sœurs racontaient cette anecdote : « La dévotion au Saint Sacrement commence à rayonner. La femme d’un professeur qui habite près de nous s’offrit à donner l’huile pour la lampe du sanctuaire ; geste qui, étant tout à fait spontané, nous a beaucoup touchées. »[11] Ils sont nombreux, ces pauvres qui, tout au long de l’histoire postérieure, ont alimenté, jusqu’à aujourd’hui, la lampe du sanctuaire, remplissant de leurs visages et de leurs histoires la prière et la vie de l’Assomption en Inde. N’hésitez pas à lire la suite du récit en cherchant le texte écrit par Sr Alphonse pour le jubilé d’argent de la Province !

 

Sœur Véronique Thiébaut,

Archiviste de la Congrégation

 

 

[1] Mère Josefa Ignacia, Lettre du 19 janvier 1967 au sujet du projet de fondation en Inde

[2] Lettre de la Communauté de Pala (Inde), 11 février 1969

[3] Sœur Alphonse, Remembrance and gratitude, histoire de la Province de l’Inde, écrite à la fin des années 1990

[4] Lettre de la Communauté de Pala (Inde), 11 février 1969

[5] Lettre de la Communauté de Pala (Inde), 11 février 1969

[6] Lettre de la Communauté de Pala (Inde), 6 août 1969

[7] Sœur Alphonse, Remembrance and gratitude, histoire de la Province de l’Inde, écrite à la fin des années 1990

[8] Lettre de la Communauté de Pala (Inde), Avril 1972

[9] Idem

[10] Idem

[11] Lettre de la Communauté de Pala (Inde), 2 juillet 1970