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Vendredi Saint : La Croix

V eventdimanche 20 avril 2025

Je vais vous raconter une scène qui m’a profondément bouleversée. Je me suis retrouvée impliquée dans un affrontement verbal avec une personne que je ne connaissais pas, et j’ai permis que ses remarques, exprimées bien sûr depuis son point de vue, troublent ma paix intérieure. La “conversation” est arrivée à un point où j’ai choisi de me taire afin de ne pas poursuivre ce cercle vicieux et mettre fin à cette gêne croissante.

Après avoir ressassé à maintes reprises cette “conversation inconfortable” dans ma tête, je reconnais m’être laissée envahir par le flot d’émotions que cette personne projetait sur moi, et que j’ai assimilées comme des remises en question de mes propres actions. Et il n’y avait pas que cela : le sentiment d’impuissance verbale m’a poussée à repenser des réponses plus adéquates, au cas où cette même scène se reproduirait.

Je suis presque certaine que, en lisant cet épisode, vous avez également ressenti cette même gêne : ce moment où les émotions brouillent tout, et les mots restent coincés dans la gorge, incapables de sortir de manière ordonnée. En somme, le message que je veux transmettre à travers cette scène est celui de l’impact des relations sociales, qu’elles soient harmonieuses ou, comme ici, conflictuelles.

Je souhaite profiter du temps du Carême pour que ce texte sur les relations humaines, les émotions et la communication soit abordé sous l’angle de l’« Amour, du sacrifice et de la rédemption », car la Passion du Christ nous interpelle dans notre vie quotidienne. À travers le regard de Marie-Eugénie de Jésus, nous pouvons nous laisser accompagner dans ce cheminement d’intériorisation et de croissance personnelle, en distinguant les composantes émotionnelles et corporelles, pour les reconnaître à la lumière de la raison et surtout, les laisser être transformées par l’élan de l’Esprit.

Il y a plus de quarante ans, Robert Plutchik affirmait que parler d’« émotion », c’est parler de notre réaction face à une situation donnée, qui se manifeste naturellement à travers des signes physiques et psychologiques. Toute émotion comporte une intensité. Une fois l’émotion identifiée et son intensité reconnue, il est essentiel de la nommer. Nommer ce que l’on ressent et ce que l’on pense permet de structurer sa pensée et de mieux exprimer ses besoins. Cette expression favorise la communication et, espérons-le, rétablit un équilibre entre les deux parties. En définitive, faire savoir à l’autre ce que nous pensons, ressentons et désirons, c’est construire une relation : un lien fait d’expériences partagées.

La docteure Marian Rojas Estapé nous enseigne qu’il faut comprendre pour pouvoir appréhender. Comprendre que nous vivons des émotions en tant qu’êtres pensants nous permet d’agir en conscience. L’expression émotionnelle est constante ; accueillons-la comme point de départ de notre agir. C’est pour cette raison que, pour moi, il a été essentiel de repasser cette scène en revue, encore et encore, dans le but de m’offrir de meilleurs outils, tout en me demandant si mon objectif était de “prouver que j’avais raison” ou de “préserver la relation”. Il est sage de savoir quelles batailles méritent d’être menées, et d’assumer ensuite leurs conséquences avec maturité.

Une fois que le cœur et la raison se sont révélés, il convient de bâtir un pont avec l’Esprit et de laisser la Parole redonner sens à notre regard. Par son offrande au service des autres, Jésus nous invite à prendre notre croix et à le suivre. Tout au long de son enseignement missionnaire, il est fidèle à son message de pardon et nous exhorte à fonder nos actions sur l’amour. Laisser l’Esprit souffler, c’est permettre à la Parole de transformer notre vision, car notre relation avec Dieu nous conduit inévitablement à la relation avec les autres. Changeons notre regard pour transformer la réalité.

En tant que chrétiens, nous savons que nos talents doivent contribuer à la construction du Royaume. Souvenons-nous des paroles de MME : « Il y a toujours quelque chose de bon chez l’autre ; croyons-le, cherchons-le et, si nous ne le trouvons pas, c’est peut-être parce que nous avons une image idéalisée de nous-mêmes... » (Conseils pour l’éducation, 1984). Ainsi, en plus de croire et de chercher les talents chez les autres, croyons et cherchons aussi les nôtres, pour bâtir ensemble le Royaume dans un monde globalisé.

Par sa miséricorde, Dieu nous invite à porter la croix sur nos épaules en reconnaissant l’intensité émotionnelle. Il nous guide sur le chemin du Calvaire, celui de la construction des relations humaines, avec la volonté d’assumer avec maturité les conséquences de la communication. Il nous appelle à transformer l’adversité par le pardon et l’amour, en gardant confiance pour nous relever. Car, comme le dit Mère Marie-Eugénie : « Mon regard est tourné vers Jésus-Christ et vers l’extension de son Royaume. »

 

Marlé Uribe

Psychopédagogue – Instituto Asunción Querétaro

 

* Photo 1 : Les mains entrelacées symbolisent la mission que Dieu m’a confiée : devenir une meilleure personne, capable de penser, ressentir et communiquer.

** Photo 2 : La croix. Amour, sacrifice et rédemption.