À l’occasion de la fête de saint Thomas, apôtre
Par Carlos Enrique Castro Medina
Quand les mots ne suffisent pas
Nous vivons une époque marquée par le scepticisme, où les mots deviennent fragiles face au bruit du monde. Sur les réseaux sociaux, dans les médias, dans les conversations quotidiennes, les discours, les opinions et les vérités partielles se multiplient. Au milieu de cet océan d’informations et de confusion, beaucoup se demandent : en qui avoir confiance ? Qu’est-ce qui a un véritable poids ? Où trouver l’authenticité ?
Pour de nombreuses personnes, la foi ne se transmet plus par les discours religieux traditionnels. Les formules répétées, les arguments théologiques, voire les citations bibliques, peinent souvent à atteindre un cœur blessé ou indifférent. Il faut quelque chose de plus : une expérience vivante, concrète, incarnée. Il faut voir pour croire… comme Thomas l’a demandé.
Et pourtant, même voir de ses propres yeux ne suffit pas toujours. Nous vivons dans un monde où le visible peut être manipulé. C’est pourquoi, en tant que croyants, nous sommes appelés à offrir un témoignage qui parle non seulement aux yeux, mais aussi au cœur.
Le chemin de Thomas et le défi du témoignage
La figure de l’apôtre Thomas a souvent été réduite à celle de « l’incrédule ». Mais son histoire est bien plus profonde. Il ne doutait pas par caprice, mais parce qu’il aimait sincèrement. Il ne voulait pas d’une foi de seconde main, mais une expérience personnelle du Ressuscité. Sa demande — « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous… » (Jn 20,25) — révèle son désir d’une foi incarnée, tangible, proche.
Jésus ne le réprimande pas sévèrement, mais lui répond avec amour : il se montre à lui, l’invite à toucher, et finalement Thomas prononce l’une des professions de foi les plus profondes de l’Évangile : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28).
En Thomas, nous découvrons l’importance de l’expérience, de la rencontre, du témoignage. Car ce qui convainc, ce n’est pas tant ce que l’on dit, mais ce que l’on vit. Le véritable témoignage chrétien ne se limite pas aux paroles ; ce sont des vies qui laissent transparaître le Christ. C’est l’amour concret, la compassion active, la cohérence au quotidien qui révèlent au monde le visage du Ressuscité.
Aujourd’hui comme hier, nous demandons à voir pour croire. Mais ce que nous cherchons, ce ne sont pas des miracles spectaculaires, ce sont des vies crédibles. Nous cherchons des personnes qui vivent ce qu’elles prêchent, qui aiment sans condition, qui accompagnent sans juger, qui servent sans rien attendre en retour.
Être témoignage au quotidien
Dans un monde assoiffé d’authenticité, notre plus grand argument de foi est le témoignage. Nous n’avons pas besoin de grandes scènes ni de discours élaborés. Ce dont le monde a besoin, c’est de voir des disciples de Jésus qui vivent avec les yeux du cœur, capables de découvrir le Christ en l’autre et de le rendre visible par leur vie.
Célébrer saint Thomas, c’est aussi renouveler notre engagement comme témoins. Où et comment pouvons-nous témoigner aujourd’hui ? Voici quelques clés simples mais puissantes :
• Cohérence : Que nos paroles et nos actes reflètent le même Évangile. • Proximité : Écouter plus que parler, accompagner plus qu’enseigner. • Joie : Montrer par notre vie que suivre le Christ n’est pas un fardeau, mais une plénitude. • Engagement : Nous impliquer dans la réalité de ceux qui souffrent, être présence d’espérance. • Prière : Car nul ne peut témoigner véritablement sans avoir d’abord rencontré le Ressuscité dans l’intimité de sa propre vie.
Comme Thomas, nous sommes tous en chemin. Nous aussi, nous doutons, nous questionnons, nous cherchons. Mais si nous vivons les yeux du cœur ouverts, nous pourrons reconnaître la présence de Dieu dans le quotidien et devenir signe de son amour pour les autres.
Aujourd’hui plus que jamais, l’Église a besoin d’hommes et de femmes qui, comme Thomas, ne se contentent pas de paroles, mais recherchent la rencontre. Qu’ils doutent, oui, mais qu’ils continuent à chercher. Qu’ils n’aient pas peur de toucher les blessures du monde. Qu’en voyant, ils croient. Et qu’en croyant, ils vivent de telle manière que d’autres puissent, eux aussi, voir le Dieu vivant.