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Communauté de NISHINARI (Japon)

C eventdimanche 17 novembre 2024

Photo: ésus est au milieu de ceux qui vont recevoir la nourriture

Original : espagnol

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EXPERIENCE JPICS - Communauté de NISHINARI (Japon) - PROVINCE ASIE PACIFIQUE

Nishinari est un arrondissement populaire de la grande ville d’Osaka dans lequel se trouve un petit quartier, Kamagasi, connu pour son « Centre de travail ouvrier pour la Construction,  fondé il y a plus de 50 ans et d’où l’on vient de tout le Japon pour y trouver du travail. Les personnes sont embauchées pour un jour, sans aucune sécurité sociale, et vivent dans un contexte précaire et incertain. Le travail demandé est très dangereux et dur. Petit à petit, les gens cessent d’être employés et, parce qu’ils ne peuvent plus continuer à envoyer de l’argent à leur famille, il se retrouvent sans rien et vivent de la vente de carton, de papier ou de canettes.

Beaucoup finissent par dormir dans la rue. Ils ne mendient pas mais cherchent du travail. Comme ils n’ont pas de domicile fixe, ils ne peuvent pas obtenir de papiers d’identité et ne peuvent être inscrit à la municipalité de la ville. Ils sont rejetés par la société et deviennent des personnes inexistantes. Eux-mêmes réclament leurs droits, aidés par différents groupes : syndicats d’ouvriers, activistes, défenseurs des droits de l’homme,… Ils n’agissent pas par idéologie. Le but de leurs actions, c’est la personne marginalisée et appauvrie. L’église chrétienne (protestants et catholiques) est également présente ainsi que des religieuses, quelques prêtres et des bouddhistes, œuvrant ensemble pour plus de justice. C’est un « micro œcuménisme ». Ils préparent des repas dans les parcs du quartier là où ces personnes arrivent par centaine pour manger. La nuit, ils organisent des rondes dans les lieux où ils dorment, ils distribuent des « niguiri » (sacs de riz), de la soupe, etc. et maintenant, des masques. Lorsque c’est nécessaire, ils appellent les centres de soin. A côté de cette aide matérielle nécessaire, ils manifestent également pour que le gouvernement agisse.

Nous sommes 4 sœurs dans notre communauté : María Christina, la supérieure, María Tsuneko, Verónica Miki et María de Pazzi. Nous n’avons pas d’œuvre propre à la communauté. Nous avons toutes un apostolat dans différents lieux, sans être responsables d’une seule mission. Une sœur va au jardin d’enfants de Mino, une autre participe au « téléphone de l’espérance ». Nous aidons aussi l’organisation SINAPSIS du diocèse de Osaka pour l’accueil des réfugiés qui viennent de nombreux pays et pour les aider, avec les avocats, à obtenir leurs visas. Nous allons aussi les visiter lorsqu’ils dans les centres de détention.

Notre mission principale est ici, en Kamagasaki : nous participons à la préparation et la distribution des repas dans les parcs du quartier, aux rondes de nuit et au contact quotidien avec ces personnes en discutant avec elles. Nous allons aux manifestations et aux réunions pour réclamer au gouvernement plus de justice.  

Dernièrement, nous avons réussi à obtenir du gouvernement qu’il change sa manière de repartir l’aide économique pour la pandémie à tous les habitants du Japon. En effet, ces personnes, parce qu’elles n’avaient pas de domicile fixe ne pouvaient recevoir cette aide. Mais maintenant, si. C’est impressionnant la force de conviction avec laquelle les groupes de défenseurs des droits de l’homme parlent pour défendre la dignité de toute personne humaine, quelque soit sa situation. Un représentant du gouvernement confessa un jour à un leader d’un syndicat : « nous avons beaucoup appris dans ces réunions… »

En communauté, nous partageons nos expériences personnelles, ce que nous avons vu et entendu, ce que chaque sœur vit. Et cela nous enrichit. Une de nos expériences communes, c’est de voir que l’Evangile est présent ici, qu’il se vit. Ceux qui s’engagent auprès des personnes marginalisées ne sont pas chrétiens (ils n’ont pas reçu le baptême) mais ils vivent ce que Jésus a vécu et cela nous semble primordial : se mettre toujours du côté de celui qui en a le plus besoin. Nous prenons conscience que l’Evangile n’est pas seulement nôtre, qu’il n’est pas la propriété des chrétiens : l’Evangile fait partie du patrimoine de l’humanité. L’Evangile n’est pas fait seulement pour être transmis mais pour être vécu. Nous vivons comme « les saints de la porte d’à côté ».

Ici, il y a beaucoup d’humanité. Lors des rondes de nuit, lorsque nous offrons une couverture, parfois nous entendons cette réponse : « je n’en ai pas besoin, donnez-le à quelqu’un qui en a plus besoin que moi, mon voisin a toussé toute la nuit ». Ou lorsque nous donnons un sac de riz : « j’ai déjà mangé, donne-le à celui qui est à côté de moi ». Partager la même expérience de souffrance les rend plus sensibles à la souffrance des autres. Lorsque nous participons aux rondes de nuit, le soir de Noel, après avoir assisté à la messe, nous sommes confrontées, à travers ces personnes qui dorment dans la rue, à la même réalité que celle de Jésus, la nuit de sa naissance parce qu’ « il n’y a pas de place pour eux dans la société » comme il n’y en a pas eu pour Marie et Joseph.

Un jour , j’ai rencontré Fuji Yan, un défenseur activiste des droits de l’homme, qui venait de sortir de prison parce qu’il avait organisé des manifestations pour réclamer du travail et un toit pour ces personnes sans domicile fixe. Il me dit, avec une conviction impressionnante : « c’est la 8ème fois que je suis emprisonné mais jamais parce que j’ai fait quelque chose de mal. C’est toujours parce que j’ai pris la défense de tant de personnes qui dorment dans la rue et que j’ai réclamé pour eux plus de justice. Je ne peux pas ne pas me taire ». En l’écoutant, ce fut pour moi comme une explosion d’Evangile. Je m’imagine la scène de Mathieu 25 : quand Fuji Yan meurt, arrive au ciel et entend le Père l’accueillir et lui dire : « viens, béni de mon Père, parce que j’étais en train de dormir dans la rue et tu as réclamé justice pour moi. Et malgré la prison 8 fois, tu as continué à le faire ».

On vient de tout le Japon mais aussi de d’autres pays pour faire un stage ici, pour connaître le système du travail japonais et la réalité des droits de l’homme. Beaucoup de collèges, dans leur programme de formation aux droit de l’homme, organisent des immersions de 2 ou 3 jours à Kamagasaki pour découvrir, à partir de ce contexte, la réalité de la société dans laquelle nous vivons. Ils aident dans les différents lieux mais ils viennent surtout pour apprendre. Ils sont très impressionnés. Certains d’entre eux reviendront quelques années plus tard pour vivre ici. Ils sont parmi ceux qui s’engagent auprès des plus pauvres, aujourd’hui, à Kamagasaki.

Nous participons beaucoup à ces temps de formation, nous marchons avec eux dans tout Kamagasaki pour les aider à comprendre ce qu’il se passe ici et répondre à leurs questions. A la relecture finale de leur expérience, lorsqu’ils partagent ce qu’ils ont senti et vécu, c’est très impressionnant : ils disent toujours que ce qu’ils ont vécu, ils ne l’apprennent pas dans leurs écoles ou à l’Université. 

Chaque année, un groupe d’élèves du collège de Mino, mais aussi de collèges de Manille et de Bordeaux, viennent à Kamagasaki.

Ici, les gens ne connaissent pas Marie-Eugénie, nous n’avons pas de groupe Assomption-Ensemble. Cela ne veut pas dire que Marie-Eugénie n’est pas présente. Elle est présente à travers chacune d’entre nous et nous sommes certaines qu’elle est très heureuse de rencontrer ces personnes pauvres et marginalisées. Elle qui nous a dit, au début de la fondation, en lien avec la clôture : « Pour nos sorties, notre vraie raison c’est cette peur de ne pas être suffisamment sœurs des plus pauvres si nous cessons de les voir et oublions les réalités de la vie… »

Voilà un petit résumé de ce que nous vivons . Nous espérons que ces lignes mal rédigées pourront vous décrire un peu l’expérience que Dieu nous donne de vivre. .

María de Pazzis(Communauté de Nishinari)