« Tout est un miracle, l'éternité dans le moment présent. Dieu est la vie qui fait pousser l'herbe et les arbres. Les croyants devraient être les premiers écologistes...... Je fais partie du mystère de la vie, chaque élément a sa partie intégrale, comme une belle symphonie où même les silences ont leur importance". (d’après “La Puissance de la Modération' de Pierre Rabhi) .
Il est difficile de savoir par où commencer tant mes impressions sont nombreuses. Je suis restée au Campus de Transition pendant 2 semaines et je suis revenue profondément reconnaissante de cette expérience. Il y a une explosion de vie et d'énergie, jeunes gens, communauté et bénévoles tous ensemble engagés dans ce projet nouveau et enthousiasmant. Cela n'existe que depuis un an et tant de choses ont déjà été accomplies ; déjà des groupes viennent, des cours d'été sont organisés et ce pour la deuxième fois, des bénévoles promettent de revenir, des zones de permaculture produisent les plus grosses tomates que je n'aie jamais vues, des poireaux, du maïs et une myriade de légumes et d'herbes. Je m'interrogeais sur la présence de trois charmants moutons noirs, la communauté ne fabrique pas de fromage de brebis ni n'utilise leur laine, mais ils ont leur place et nous font peut-être penser à notre état de créature, notre simple existence. C'est une vie radicale et simple, avec de la nourriture végétarienne, du jardinage biologique, des ruches d'abeilles près de la forêt à travers laquelle le monastère des Carmélites peut être vu derrière la clôture, un manque notable de plastique, bien que Cécile ait remarqué qu'il y avait encore à faire pour atteindre zéro déchet avec de gros tas de compost, il y a même un bac de compost recouvert de copeaux de bois.
Il y a encore beaucoup à faire, surtout avec le bâtiment qui n'est pas en très bon état. Beaucoup de travail a été fait par des équipes de jeunes, dont certains étaient ingénieurs professionnels ; ils essaient d'isoler et de rendre habitable le dernier étage. Jusqu'à présent, il n'y a pas de chauffage et comme toutes les fenêtres sont différentes, il y a un réel souci de suppression des courants d'air avant même de choisir la géothermie, le biogaz ou tout autre système de chauffage. La communauté brave l'hiver avec des couvertures.
Il y a un fort esprit communautaire. Que nous y soyons restés plus ou moins longtemps, nous savions que nous y étions tous ensemble. Tout le monde prenait ses repas ensemble, y compris tous les groupes qui s'y trouvaient. L'inclusion est importante. J'ai remarqué un réel effort pour ne pas porter de jugement, qu'il s'agisse des villageois locaux, dont 40 % ont voté pour Le Pen lors des dernières élections, ou vis-à-vis de certains agriculteurs locaux qui continuent à utiliser des pesticides et des herbicides ; l'objectif est le dialogue. Il y a eu une reconnexion avec la terre, ses créatures et les uns avec les autres, une reconnexion également avec l'esprit, le corps et le cœur dont nous sommes faits, il y a eu une guérison de toute aliénation. Le "moment du matin" manifeste cela, nous nous rassemblions pour un bref temps de silence, suivi d'un temps de parole pour dire brièvement comment chacun de nous se sentait ce jour-là, puis une lecture, souvent un poème, et enfin un petit jeu avec notre corps. Ensuite, les gens se dispersaient dans leurs diverses activités pour la journée.
Mais au-delà de ce mode de vie écologique et peu technologique, le Campus a un rôle éducatif important. C'est un rôle dédié à la transition sociale, écologique et culturelle en collaboration avec les écoles d'ingénieurs et de commerce, les instituts d'enseignement supérieur : niveau master. Le campus est conscient que les initiatives locales ne suffisent pas et qu'un changement structurel s'impose. Pendant que j'étais sur place, des fonctionnaires du ministère de l'Éducation sont venus parler à Cécile. L'inspiration de ce projet du ministère consiste à travailler sur un cursus pluridisciplinaire et écologique pour tous les établissements d'enseignement supérieur en France ; la visite du ministre se fera en juin, Cécile aurait carte blanche pour développer ce projet avec l'aide des autres membres du campus. Le Campus se veut " radical mais non marginal ", comme l'a dit Cécile, s'attaquant à la racine du problème et en trouvant des moyens de transformation structurelle - transition énergétique, production industrielle, transport, nouvelles technologies, synergies concernant l'alimentation etc. il accueillera étudiants, enseignants, professeurs, chercheurs et praticiens.
Le campus œuvre en faveur d'une économie durable en trouvant des moyens d'assurer la transition pour sortir des combustibles fossiles actuels, d'une culture qui dépend de la croissance économique et d'un consumérisme qui détruit notre planète et ses créatures et menace le chaos climatique complet, l'élévation du niveau de la mer, les inondations et la sécheresse et des phénomènes météorologiques de plus en plus terribles. Démarrer une entreprise ou écrire une lettre à vos petits-enfants, cela été suggéré au premier groupe d'étudiants venus sur le campus, quels choix personnels et collectifs allez-vous faire, ou aurez-vous fait ? Le Campus vise également à se connecter aux réalités environnantes, aux agriculteurs locaux, aux migrants de la ville voisine, etc. Un jeune réfugié éthiopien, Ahmednur, est l'un des membres de la communauté.
En France, où la laïcité est une valeur si importante, le Campus n'est pas confessionnel, bien que Cécile soit une sœur de l'Assomption et qu'un jeune jésuite fasse partie de la communauté. Le Campus est ouvert à la dimension spirituelle des personnes et la spiritualité est implicite dans la vie communautaire qui se construit sur le don et la gratitude, le travail pour le bien commun et un profond respect des personnes et de notre beau mais fragile monde interconnecté. Pendant que j'étais là-bas, une partie d'entre nous a eu des moments de prière ensemble et, à une occasion où un groupe du JRS était venu en séjour, une messe a eu lieu dans la maison. J'espère qu'un jour une communauté plus ouvertement religieuse sera à côté du Campus. Il faut remercier l'Assomption pour le don du site et le soutien des sœurs qui reconnaissent l'importance de cette belle initiative comme prophétique pour notre temps. Puisse-t-elle continuer à s'épanouir et à se développer !
Jessica,Europe Octobre 2019 Traduit de l’anglais