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Deux girouettes

D eventlundi 22 juillet 2024

Lectio XXVI Dimanche A   Mt 21,28-31 

Encore une histoire avec deux fils. L’un fait la volonté du père, l’autre non. Dix pour l’un, zéro pour l’autre… C’est un peu simpliste, et cela ne ressemble pas au style de Jésus qui aime les paradoxes. Quand il y a deux fils dans une histoire Biblique, les situations ne sont jamais simples et il n’y a jamais de 100% « bon » ou «méchant ». Même dans la toute première histoire, celle de Caïn et Abel, Dieu montre de la bienveillance envers Caïn, comprenant qu’il est tenté par la jalousie. Il va le chercher pour lui parler et le faire réfléchir, tout en respectant sa liberté. Ismaël, frère d’Isaac, mais qui n’est pas l’enfant de la Promesse, a droit à une bénédiction. Esaü, le « vilain », se montre généreux à la fin de l’histoire ; quant à Jacob, l’élu, le récit ne cache pas ses fourberies. Quand Jésus reprend le thème des frères et de la jalousie il nous montre, dans la parabole dite du Fils prodigue, le père qui sort à la rencontre de l’aîné pour l’inviter avec tendresse à entrer dans la fête.

Matthieu nous donne une interprétation en fonction des interlocuteurs de Jésus. Il y a d’une part les « chefs des prêtres et les anciens », et d’autre part les « publicains et les prostituées ». Ces derniers ont accueilli la parole de Jean Baptiste et sont ainsi entrés dans la volonté du Père, les autres, pourtant pleins de bonnes intentions et de fidélité, n’ont pas cru et se sont ainsi montrés finalement infidèles à l’appel.

Mais il est étonnant que dans certains manuscrits anciens et fiables du NT, la conclusion de cette parabole soit différente de celle que nous lisons habituellement et qui est transmise par d’autres manuscrits : le bon fils est le deuxième ! Ce fait, ainsi que l’ambivalence voulue que nous voyons dans les récits bibliques, nous invitent à ne pas classifier trop vite les personnages, ni réduire la parabole en la moralisant.

Quelle bonne nouvelle nous fait-elle entendre ? Et quelles questions ?

Ecoutons ce que dit le père : « Enfant, va aujourd’hui travailler à la vigne ». L’appel est le même pour les deux. Les deux sont invités personnellement (« va »), les deux ont droit à la même confiance et à la même dignité – être enfant, et être convié à œuvrer à la vigne. La confiance du père qui invite signifie son espérance indéfectible.

Les réponses sont différentes. Dire : « je ne veux pas » est grave. C’est l’attitude de quelqu’un qui connait la volonté de Dieu, la comprend, mais qui dit quand même délibérément « non ». La bonne nouvelle est qu’un changement est possible. Il y a toujours un nouvel « aujourd’hui » comme le rappelle l’épître aux Hébreux (3,7+) et il y a toujours une vocation tardive qui nous attend ! Comme dans la parabole du Fils prodigue Jésus invite ses interlocuteurs (les pharisiens et les fidèles de tous les temps) à regarder avec espérance ceux qui semblent loin.

L’autre enfant dit : « oui, Seigneur », comme s’il n’avait pas de relation filiale avec le père, et c’est peut-être là son problème. Cependant sa réponse indique une fidélité habituelle, un bon réflexe spirituel. Pourquoi n’y va-t-il pas, alors ? Comme l’avoue St Paul, il est plus facile de vouloir le bien que de l’accomplir (Ro 7,18). Qu’est-ce qui fait qu’après un bon élan ou une « bonne résolution » la passivité nous prend et nous fige ? Comment revenir au Oui premier ?

Deux enfants, deux girouettes qui tournent en direction différente. Qu’est-ce qui va nous permettre quand nous sommes l’un ou l’autre de rejoindre l’attitude du Fils, lui qui « n’a été que Oui » (2 Co 1,20)?