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Editorial #Assumpta n º4

E eventmercredi 3 juillet 2024

“L’Assomption en croissance en Afrique: Un don et une responsabilité”

Pour comprendre l’Afrique d’aujourd’hui, il faut remonter à la conférence de Berlin de 1885 convoquée par le chancelier allemand Bismarck. La menace d’une guerre à l’échelle européenne sur l’Afrique se faisait jour parmi les parties prenantes: Allemagne, France, Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal, Espagne et Italie. La solution ? Se répartir l’Afrique. Aucun Africain n’était présent à cette réunion à peine déguisée en effort pour aider l’Afrique. Aujourd’hui, nombre de guerres tribales et de conflits frontaliers en Afrique ont pour origine cette dissection arbitraire de l’Afrique qui transcende les tribus et les frontières traditionnelles et culturelles.

 

Assomption et l’Afrique

C’est l’Afrique que Marie Eugénie aurait connue vers la fin de sa vie. Alors que l’exploration européenne de l’intérieur de l’Afrique avait déjà bien commencé à la fin du 18ème siècle. En 1849 Marie Eugénie reçut l’invitation de missionnaires en Afrique du Sud, alors, sous contrôle britannique. Elle répondit avec ferveur à la demande de l’évêque Monseigneur Devereux du Cap, qui souhaitait que quatre sœurs administrent une école pour filles à Grahamstown. Les sœurs, nouvelles dans la vie religieuse et avec leur charisme encore en devenir, se retrouvent dépassées par les épreuves de la mission. La distance et la mauvaise communication avec la maison mère aggravent d’autant plus la situation. Finalement, l’archevêque Monseigneur Sibour de Paris, qui avait la charge de la jeune congrégation, ordonna leur rappel. Sœur Gertrude, la responsable de la communauté, choisit de rester avec les nouvelles candidates qu’elle avait acceptées et formées dans un contexte radicalement nouveau dans lequel elles se trouvaient. Cette communauté allait devenir la congrégation des Sœurs Missionnaires de l’Assomption.

Ce n’est que dans les années 1950, avec les encycliques Evangelii Praecones (1951) et Fidei Donum (1957) du Pape Pie XII qui présentaient la condition des missions catholiques, notamment en Afrique, que l’Assomption, en la personne de Mère Marie Denyse, entendit à nouveau l’irrésistible appel à étendre le Règne de Dieu en Afrique. Malgré les interruptions résultantes de la Seconde Guerre mondiale, l’Église en Afrique avait connu une croissance constante. Il manquait une solide éducation chrétienne de qualité pourtant requise pour apporter la vérité chrétienne dans la formation des nouveaux chrétiens. L’Assomption s’est sentie prête et a répondu avec zèle aux invitations des évêques. Ce fut d’abord en Afrique de l’Est au Rwanda, puis en Tanzanie. Puis ce fut l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Togo, au Niger, au Bénin, puis l’Afrique centrale au Cameroun et au Congo, et enfin le Kenya et le Tchad. Et en 2015, Dieu a étendu leurs tentes pour accueillir les nouvelles sœurs: les Augustines de Notre-Dame de Paris (ANDP) à Madagascar.

Des missionnaires de France, d’Espagne, d’Italie, de Belgique, d’Angleterre, et même des plus jeunes provinces des Philippines et de l’Inde sont venues et ont ouvert des écoles, collèges classiques et techniques, des dispensaires, des cours de catéchèse et d’alphabétisation. Elles ont lancé des projets de subsistance pour les femmes et des projets agricoles, tout en assurant le travail pastoral dans des paroisses et des centres, etc. Les volontaires AMA ont rejoint les sœurs dans leur mission. Les sœurs ont également été invitées à accompagner la fondation de congrégations locales.

Comme leurs confrères missionnaires qui ont répondu à l’appel du Pape pour l’Afrique, la croissance et les réalisations de l’Église et de l’Assomption en Afrique sont dues en grande partie au dévouement héroïque et désintéressé de générations de missionnaires. C’est grâce à ces “géants” de l’Assomption qui ont travaillé avec une générosité sans faille qu’Assomption-Afrique vit et s’épanouit aujourd’hui. Ils ont courageusement surmonté les défis de la langue, de la culture, des maladies, des conditions climatiques et de voyage difficiles, pour que la semence de l’Assomption puisse s’enraciner profondément dans le sol africain et qu’il y pousse de solides branches. Le charisme a trouvé un terrain fertile dans le cœur des jeunes femmes africaines puisque des vocations sont rapidement venues de toutes les provinces du continent. Aujourd’hui, il y a 303 sœurs dans les 13 pays qui composent les 4 Provinces et 1 région d’Afrique. Elles représentent 26% des membres de la Congrégation.

 

L’humanité est née en Afrique

Néanmoins, il n’est pas juste de commencer l’histoire de l’Afrique uniquement à travers sa dissection par les nations européennes. Plus important encore, l’humanité tire son origine d’un ancêtre commun, il y a 5 à 10 millions d’années, d’un hominidé en Afrique qui a commencé à marcher debout. Ceux-ci ont utilisé leurs capacités physiques pour agrandir leur cerveau, développer la technologie des outils en pierre... et commencer à explorer... en traversant les mers jusqu’en Asie et en Europe. Cela signifie que tous les peuples modernes sont, en fin de compte originaires d’Afrique. Cette réalité des origines de l’humanité en Afrique a-t-elle une quelconque importance pour le monde d’aujourd’hui ?Un grand saint de l’Afrique, Saint Daniel Comboni, avait vu dès le début comment les Africains pouvaient devenir les protagonistes de leur propre processus de libération et d’évangélisation. Son cri d’alarme était “Sauver l’Afrique par l’Afrique...” C’était un tournant de 180º par rapport à l’intention mercenaire de la Conférence de Berlin. Avec la croissance de l’Église et de l’Assomption, cela devient de plus en plus la réalité. Une nouvelle génération de dirigeants, tant dans l’Église que dans les congrégations religieuses, prend sa place avec ses dons au service de la vie de son peuple. Ils portent désormais sur leurs épaules la majeure partie du travail d’évangélisation de leur continent. De nombreux fils et filles d’Afrique ont maintenant pris en main le flambeau de la consécration totale en tant que religieux au service de Dieu et de l’Évangile.

 

Un don et une responsabilité

Le Synode de l’Afrique (1995) atteste que l’énorme croissance de l’Église en Afrique au cours des cent dernières années et les fruits de sainteté qu’elle a porté ne peuvent avoir qu’une seule explication possible : tout cela est un don de Dieu. Aucun effort humain n’aurait pu à lui seul accomplir ce travail au cours d’une période relativement courte.

C’est ce don qui est à la fois une tâche et une responsabilité que l’Église et l’Assomption reconnaissent comme un privilège et une opportunité. L’Afrique est aujourd’hui appelée à un échange de dons car il est demandé aux missionnaires africains de soutenir la nouvelle évangélisation dans les pays désormais sécularisés qui, autrefois, ont produit des missionnaires qui sont allés en Afrique pour annoncer la Bonne Nouvelle.

L’Afrique est dotée d’une richesse de valeurs culturelles et de qualités humaines inestimables qu’elle peut offrir aux Églises et à l’humanité toute entière. Les Africains ont un sens profond du sacré, de l’existence de Dieu le Créateur et d’un monde spirituel. Dans la culture et la tradition africaine, le rôle de la famille est fondamental. Il s’accompagne de l’amour et du respect de la vie, d’un amour pour les enfants qui sont joyeusement accueillis comme des dons de Dieu. Les Africains montrent leur respect pour la vie humaine jusqu’à sa fin naturelle, et gardent les parents et les proches âgés au sein de la famille. Les cultures africaines ont un sens aigu de la solidarité et de la vie communautaire profondément ancré dans leurs valeurs fondamentales d’Ubuntu (humanité et régénération morale) et d’”Umoja” (unité). Ces valeurs sont essentielles pour renverser efficacement la situation dramatique du continent et faciliter l’émergence d’un nouveau monde post-pandémique. Ubuntu et Umoja feraient-ils aussi partie de l’ADN culturel de l’Afrique qui est son cadeau à l’Assomption ? Ce sont des valeurs précieuses qui doivent être cultivées chez les jeunes dans la formation religieuse et dans nos écoles si nous souhaitons contribuer à un continent de réconciliation, de justice et de paix.

Il y a 1,31 milliard de personnes (17% de la population mondiale) dans les 54 pays du continent. L’Afrique est immense, avec une superficie de 30,37 millions de km2, qui peut accueillir les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Japon, le Mexique et de nombreuses nations européennes réunies. L’Afrique est un continent riche en ressources naturelles et humaines, en terres fertiles et en cultures profondes. Pourtant, aujourd’hui, l’Afrique continue de vivre la grande ironie d’être appauvrie par sa richesse.

L’inconvénient déchirant pour le développement économique de l’Afrique est avant tout un problème de gouvernance par ses propres dirigeants. Après leur longue et courageuse bataille pour l’indépendance vis-à-vis de leurs colonisateurs, les peuples se retrouvent avec des dirigeants qui privatisent et volent l’État et le trésor national. Les hommes politiques qui sont les plus riches d’Afrique siphonnent l’aide étrangère et transfèrent les ressources de leur pays vers des sociétés étrangères. Ils participent à l’accaparement de plus de 10 millions d’hectares de terres de première qualité par des investisseurs étrangers pour assurer soi-disant la sécurité alimentaire mondiale. Les Africains dépossédés, affamés et démunis finissent par risquer leur vie en tant que migrants, victimes de la traite des êtres humains et souffrant de maladies comme le VIH/sida qui laisse les enfants orphelins. On estime à 32,1 millions le nombre d’orphelins vivant en Afrique, dont beaucoup prennent en charge leur foyer dès leur plus jeune âge. La faiblesse des infrastructures de transport, d’électricité et de connectivité numérique laisse l’Afrique derrière le reste du monde. Seuls 13,5 % de la population africaine a accès à l’internet - une absurdité affligeante lorsque le coltan (colombite-tantalite) utilisé dans le développement des ordinateurs, des téléphones portables et des appareils électroniques provient essentiellement d’Afrique.

 

La réponse de la foi

Quelle a été la réponse de l’Église à cette réalité ? Dès le début, les missionnaires ont mis en place des institutions de service social qui ont racheté les esclaves et les ont accompagnés dans leur réhabilitation. Ils ont créé des villages chrétiens, dispensé une éducation et une formation professionnelle qui ont permis aux gens, et en particulier aux femmes, de s’émanciper. Ils ont mis en place des institutions de soins de santé réduisant la mortalité et les maladies. Ils ont lutté contre la pauvreté en offrant aux communautés agricoles une formation dans les domaines de l’agriculture, de l’irrigation et de la technologie. Les ecclésiastiques ont risqué leur vie en défendant la cause de la justice, en créant des réseaux pour promouvoir et défendre la dignité et les droits fondamentaux des exploités. Ils ont jeté des ponts entre les communautés ethniques, alimentant le processus démocratique, formant les jeunes qui, espérons-le, créeront un avenir meilleur pour leurs nations. Ils ont jeté les bases d’une vie religieuse forte qui a conduit à l’épanouissement des vocations sacerdotales et religieuses ainsi qu’à la naissance de nouvelles congrégations religieuses. Un indicateur significatif est la croissance exponentielle de la population chrétienne en Afrique, comme le montrent les chiffres :

- 1900, 9 millions

- 2000, 380 millions

- 2025, 633 millions

 

Et la réponse actuelle d’Assomption ?

(Session continentale 2019 des jeunes sœurs)

Etant donnée la présence des jeunes, une priorité essentielle est la formation. Une formation qui les rendra vraiment africaines et vraiment de l’Assomption, capables d’apporter le don du charisme pour la vie de leur peuple. Ceci a été mis en évidence par l’arrivée de nombreuses jeunes sœurs de Madagascar, avec leur foi et leurs dons culturels qui enrichissent l’Assomption. Une éducation transformatrice dans leurs écoles, de la maternelle au collège... avec une éducation de qualité caractérisée par la foi, la formation du caractère, la responsabilité sociale et l’excellence académique comme marque de fabrique qu’elles donnent à la jeunesse. Elles veulent former des leaders transformateurs non seulement pour l’Afrique de demain mais aussi, dès maintenant, pour l’Afrique d’aujourd’hui. C’est ce qu’elles entreprennent avec les partenaires laïcs d’Assomption Ensemble qui sont engagés dans la spiritualité et les principes d’éducation de Marie Eugénie. Malgré le caractère durable des ressources humaines, la préoccupation commune à toutes les provinces est d’arriver à la durabilité financière. Avec créativité et ingéniosité, elles initient des projets qui assureront la vie et la mission des Provinces. Dans un continent où l’Assomption est déjà présente depuis plus de 60 ans, une préoccupation est le soin de leurs premières sœurs vieillissantes, les pionnières qui sont maintenant leur moteur de prière et d’énergie contemplative.

Le contexte et le défi partagé par les sœurs dans les 13 pays d’Afrique et de Madagascar les amènent à collaborer et à se mettre en réseau à l’échelle continentale. Selon un proverbe africain : “Quand les toiles d’araignées s’unissent, elles peuvent attacher un lion”. Les besoins et les exigences de la mission peuvent être considérables, mais en s’unissant et en partageant les ressources, elles découvrent leur force et leur potentiel pour en faire davantage et être plus fortes. Elles organisent des sessions continentales pour les éducateurs, les formateurs, les conseils provinciaux, les jeunes et les sœurs professes. L’expérience de la Congrégation s’apparente pour elle au « vent dans le dos » qui les porte dans leurs efforts pour vraiment faire de l’Assomption sur le continent, un don précieux à l’Eglise et au peuple.

 

SŒUR VICENTA Province de Afrique de l'Est

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