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La conversion écologique en temps de pandémie

L eventdimanche 17 novembre 2024

Original : français

Les conséquences économiques et sociales de la crise du Covid 19 sont bien souvent dramatiques : en France, par exemple, 2020 aura vu l’augmentation de personnes au chômage de près d’un million. Un Français sur trois a vu ses revenus fortement baisser. Par ailleurs, l’isolement forcé de beaucoup de personnes âgées  et d’autres personnes vulnérables conduit également à des souffrances psychiques accrues.

Aux yeux de certains économistes, entrepreneurs et hommes politiques, l’objectif premier concerne la relance économique, afin de contribuer à la création d’emplois et à la sortie de la grande pauvreté. Un tel raisonnement est insuffisant, car il peut laisser de côté la prise en compte à la racine des questions écologiques et sociales. La crise sanitaire est déjà une catastrophe ; mais elle serait doublement une catastrophe si elle ne conduisait pas à tirer les leçons de nos modèles économiques et de nos modes de vie insoutenables.

Les experts débattent au sujet des rapprochements entre la crise du COVID 19 est liée à la crise écologique ; des liens existent entre la perte de la biodiversité, la surexploitation agricole – l’élevage intensif notamment -  et les maladies infectieuses. En tout état de cause, la crise actuelle interroge nos manières de produire, de nous déplacer, de consommer, de vivre. Elle met en avant nos vulnérabilités individuelles et collectives et nous appelle à de nouvelles solidarités.

De ce point de vue, la crise peut constituer, ou pas, un tremplin pour vivre la conversion écologique. C’est ce questionnement et cette expérience que nous cherchons à vivre dans le cadre du projet de Campus de la Transition, ancré dans le domaine de Forges, mis à la disposition par l’Assomption, et où je vis avec une vingtaine de jeunes professionnels[1]. Le Campus est un lieu de formation, de recherche et d’expérimentation de la Transition écologique, sociale, économique, culturelle et citoyenne Ce lieu est non confessionnel et ouvert à la dimension spirituelle, et résonne avec les analyses du pape François dans Laudato si’.

Nous expérimentons quatre dimensions de la conversion écologique à travers ce projet, qui sont aussi quatre manières de nous orienter de manière positive dans un monde complexe et incertain[2].

La première dimension est la recherche de cohérence : nous cherchons à réduire notre empreinte écologique, et cela induit des choix en matière de chauffage, de mobilité, d’alimentation, de consommation, de loisirs. Ceci peut rejoindre nos recherches communautaires pour limiter nos déplacements en avion, récupérer l’eau de pluie quand c’est possible, isoler nos habitations pour consommer moins d’énergie, éviter d’acheter des plats surgelés, consommer du savon plutôt que des gel douche, etc. Une grande créativité est possible, et mon expérience, c’est d’être très stimulée et encouragée par d’autres plus avancés que moi dans certains domaines.

 La deuxième est l’articulation entre l’individuel et le collectif : nos décisions personnelles sont à relier à un diagnostic plus large, qui implique de chercher à résoudre des problèmes structurels et systémiques ; nous cherchons à changer nos modes de vie, mais aussi à réfléchir  - avec les étudiants et les professionnels qui viennent en formation - aux moyens d’agir à différentes échelles, pour contribuer à une transformation des projets d’entreprise, des politiques publiques, etc. Ceci rejoint nos missions apostoliques, dans nos établissements scolaires, avec des étudiants, des familles, des personnes en précarité : nous pouvons contribuer  à agir sur les racines des problèmes et des injustices, en nous formant avec d’autres, en favorisant des expériences éducatives, en développant des solidarités diverses, en contribuant à certaines actions de plaidoyer.

La troisième dimension est le souci de la qualité relationnelle aussi bien avec soi-même qu’avec les autres, la nature et avec Dieu – pour celles et ceux qui sont croyants. Chercher à ajuster nos relations nous permet de cultiver une attitude d’accueil le plus inconditionnel possible des personnes qui viennent : celles et ceux qui passent à Forges décrivent souvent leur expérience comme une ‘bulle de bienveillance’ ; il ne s’agit pas de nier ou fuir le conflit et les tensions humaines – il y en a, bien sûr ; mais nous nous efforçons de créer les conditions d’un accueil de toute personne, y compris les plus éloignées des enjeux écologiques, afin de permettre à chacune de ‘faire son chemin’. Nos communautés Assomption ont un rôle précieux à jouer par leur présence priante, par diverses formes d’accompagnement humain et spirituel, par  la beauté de la liturgie et le soin apporté à de multiples détails dans nos vies quotidiennes, qui favorisent une qualité de relations.

Enfin, la quatrième dimension est celle que la philosophe Simone Weil évoquait sous le terme d’équilibre instable. Nos sociétés sont toutes marquées par l’incertitude du lendemain ; il est extrêmement difficile de se projeter dans un avenir dont on nous dit qu’il sera marqué par la recrudescence d’événements climatiques extrêmes, de catastrophes, de stress hydrique, d’épuisement de certaines ressources qui sont pourtant nécessaires y compris au développement d’énergies renouvelables, etc. Face à cette situation, puiser à la source spirituelle en chacun de nous permet d’expérimenter une confiance dans la vie, l’appui possible sur d’autres, une paix et une joie données en surplus. Ceci est aussi, sans doute, ce que Marie-Eugénie décrit à travers le dégagement joyeux.

Cécile Renouard r.a.

 

 

[1] campus-transition.org

[2] Xavier de Bénazé et Cécile Renouard, « La conversion écologique », Etudes, novembre 2020.