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Première Eucharistie à l’Assomption : mémoire vivante d’un chemin de foi

P eventdimanche 9 novembre 2025

La mémoire de la Congrégation compte des jours qui sont, à eux seuls, des sacrements : des signes visibles d’une présence qui nous précède et nous soutient. Le 9 novembre, la « première Eucharistie » célébrée par la jeune communauté fondatrice n’est pas seulement une date historique ; c’est un événement liturgique qui continue de façonner notre identité assomptionniste : la maison où “le Seigneur daigne venir habiter”, et le groupe de croyants qui apprend à devenir une « messe continue ».

  1. Un événement fondateur : présence et intimité de Dieu

Selon les sources fondatrices, la première messe de l’Assomption eut lieu le 9 novembre 1839. C’était une chapelle modeste, préparée avec amour et pauvreté, mais consacrée depuis ce jour comme lieu où la Vie Consacrée et l’Eucharistie se rencontrent intimement. Mère Marie-Eugénie, relisant plus tard cet épisode, sut en faire une théologie du quotidien : Dieu accueilli dans la maison, la joie de « vivre sous le même toit que notre Maître », et l’appel à ne jamais s’habituer à cette proximité, mais à la garder avec respect et gratitude.

Cette « domesticité » de l’Eucharistie — Dieu faisant sa demeure dans l’ordinaire — ne supprime pas le mystère : elle le rend plus exigeant. Comment accueillir dans nos vies la tension entre le transcendant (le Mystère qui nous dépasse) et le quotidien (le Seigneur qui habite nos foyers, nos groupes, nos familles) ? Marie-Eugénie nous invite à ne pas laisser la familiarité devenir routine, et à laisser la communion transformer nos relations, nos familles et nos communautés en corps sacramentel, présence eucharistique dans le monde.

  1. L’Eucharistie comme transformation de la vie chrétienne

Dans ses instructions sur la Communion et l’Adoration, Mère Marie-Eugénie affirme que l’Eucharistie doit « nous sanctifier » : produire paix, modestie, recueillement, et ce quelque chose d’indicible qui distingue la vie chrétienne. Le texte de 1870 insiste sur la préparation attentive et le renouveau d’une ferveur renouvelée afin que la réception du sacrement ne devienne pas habitude. Cette pédagogie de la communion, comme transformation corporelle et spirituelle, demeure un appel : l’Eucharistie n’est pas accessoire, elle est formatrice.

A partir de là, nous pouvons penser que si la Communion inscrit dans notre chair un « germe de résurrection » (Jn 6, 54), ne nous invite-t-elle pas à une conversion constante, dans notre mission et nos relations fraternelles ? L’Eucharistie nous oriente vers la plénitude à venir.

 

  1. Eucharistie, source et sommet de la vie ecclésiale

L’Église universelle revient sans cesse à cette intuition : l’Eucharistie est la “source et le sommet” de la vie et de la mission (cf. Sacramentum caritatis, n. 7). Participer à la table du Seigneur configure les croyants en un corps missionnaire et charitable ; l’Eucharistie fait l’Église et, par analogie, fait de chaque communauté de foi - religieuse, familiale ou paroissiale - une « communauté eucharistique ».

Jean-Paul II, dans Ecclesia de Eucharistia (nn. 20–25), rappelle que l’Eucharistie rend présent le mystère pascal et constitue le lien qui unit la communion des fidèles. Relue avec les yeux de l’Assomption, cette parole nous interroge : dans quelle mesure nos célébrations, notre formation et notre vie quotidienne sont-elles vraiment eucharistiques — c’est-à-dire, manifestation et communication de la vie pascale pour le monde ?

  1. Adoration et routine : la pédagogie de la présence quotidienne

L’insistance de Marie-Eugénie sur l’adoration n’est pas du simple dévotionalisme.  En déclarant que nous ne devons pas nous habituer à la présence du Seigneur, elle offre un enseignement nouveau : la présence sacramentelle exige vigilance, humilité et réparation. Quand des croyants se rassemblent pour adorer ou prier devant l’Eucharistie, ils ne commémorent pas seulement un souvenir, mais accueillent une effusion de grâce qui soutient la foi et la mission dans l’épreuve.

La tradition de l’Église, exprimée dans Redemptionis Sacramentum et le Catéchisme de l’Église catholique, rappelle que les signes liturgiques, les rites et la révérence ne sont pas des « ornements », mais un langage théologique qui forme l’esprit et le cœur du peuple de Dieu. Notre dévotion eucharistique, humble et aimante, montre que la vérité du rite dépend moins de l’apparat que de la disposition du cœur.

 

  1. Mémoire vivante : célébration, continuité et prophétie

Commémorer la première Eucharistie d’Auteuil est alors une praxis théologique : affirmer que la grâce qui nous a constitués agit encore. Il ne s’agit pas seulement de nostalgie, mais d’une responsabilité prophétique : garder le tabernacle comme signe d’hospitalité divine envers le monde. Quelle prophétie tirer de cette messe simple et joyeuse pour notre présence dans l’Église et la société ?

  1. Trois pratiques pour entretenir la mémoire vivante :

Permettez-moi de vous proposer – non pas comme une liste normative mais plutôt des lignes de discernement - trois exigences qui jaillissent de cette commémoration eucharistique :

  1. Formation liturgique et théologique continue. La profondeur eucharistique exige de savoir transmettre la foi et la célébrer avec intelligence : homélies, rencontres, formations et célébrations unissant dévotion et doctrine.
  2. Soin du tabernacle et adoration quotidienne. Préserver la révérence et éviter la routine : pratiques familiales et communautaires qui renouvellent l’émerveillement devant la présence réelle. Marie-Eugénie rappelle que l’adoration quotidienne est à la fois don et tâche.
  3. Cohérence entre Eucharistie et mission. La table qui nous nourrit doit nous pousser à la solidarité et à l’annonce ; célébrer sans partager serait trahir la dynamique sacramentelle qui transforme et envoie (cf. Sacramentum caritatis, nn. 77–84).
  1. Questions pour la prière et la réflexion
  • Dans quels gestes concrets de notre vie quotidienne reconnaissons-nous que « l’Eucharistie nous sanctifie » ?
  • Comment éviter que la présence du Seigneur au tabernacle ne devienne habitude ?  Quelles pratiques ravivent notre émerveillement et notre révérence ?
  • Notre mission, qu’elle soit pastorale, familiale ou professionnelle, porte-t-elle la marque eucharistique ?

 

 

Conclusion : une mémoire qui engage

Commémorer la première Eucharistie d’Auteuil n’est pas seulement évoquer un événement passé : c’est répondre à l’appel de laisser l’Eucharistie continuer à nous façonner. La chapelle où fut célébrée la première messe nous enseigne que l’Eucharistie n’est pas un souvenir, mais une mémoire vivante : la présence qui nous forme, nous envoie et nous rend capables de transformer le monde par la gratuité du Pain offert.

Que cette célébration nous trouve renouvelés dans la gratitude, fidèles dans l’adoration et courageux dans la charité ; et que nos maisons, nos communautés et nos églises soient toujours des lieux d’où jaillit la lumière pour notre mission.

 

 

Sœur Brigitte Coulon, Province Équateur et Mexique

Almudena de la Torre, Équipe de communication

 

Source

  • Religieuses de l’Assomption. (2023) Commémoration de la première Eucharistie à l’Assomption, 9 novembre. [en ligne] Disponible sur : https://assumpta.org/es/noticias/conmemoracion-de-la-primera-eucaristia-en-la-asuncion
  • Marie-Eugénie de Jésus. (1870) Instructions du Chapitre du 20 novembre 1870 : Sur la Communion et l’Adoration. Manuscrit interne, Congrégation des Religieuses de l’Assomption. https://assumpta.org/fr/le-xixe-s/le-xixe-s/sur-la-communion-et-l-adoration-20-novembre-1870
  • Jean-Paul II. (2003) Ecclesia de Eucharistia. Cité du Vatican : Libreria Editrice Vaticana. → Références utilisées:
    • n° 1–2: L’Eucharistie comme cœur du mystère de l’Église.
    • n° 20–25: L’Eucharistie édifie l’Église et constitue sa communion.
    • n° 34–36: Dimension missionnaire et engagement de charité dérivés de l’Eucharistie.
  • Benoît XVI. (2007) Sacramentum caritatis. Cité du Vatican : Libreria Editrice Vaticana. → Références utilisées :
    • n° 6–7 : L’Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l’Église.
    • n° 70–71 : L’adoration eucharistique et la pédagogie de la présence.
    • n° 77–84 : La dimension sociale et transformatrice de l’Eucharistie.
  • Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements. (2004) Redemptionis Sacramentum : Instruction sur certaines choses à observer ou à éviter concernant l’Eucharistie. Cité du Vatican : Libreria Editrice Vaticana. – Références principales : n° 5, 12, 38–40, sur la révérence et le respect des signes liturgiques.
  • Concile Vatican II. (1965)  Lumen Gentium et Presbyterorum Ordinis. Dans : Concile Vatican II : Constitutions, décrets et déclarations. Madrid : BAC. – Références : Lumen Gentium, n° 11 ; Presbyterorum Ordinis, n° 5 — sur l’Eucharistie comme source et sommet de la vie ecclésiale.
  • Catéchisme de l’Église Catholique. (1992) Deuxième partie, section II, chapitre I : L’Eucharistie (n° 1322–1419). Cité du Vatican : Libreria Editrice Vaticana.