Depuis l’an 2000, la province Rwanda Tchad vit chaque année un moment à part : une halte sacrée pour faire mémoire, se réconcilier et ouvrir ensemble un chemin d’espérance. C’est une démarche de vérité, une relecture de notre histoire collective, mais aussi un appel à bâtir un avenir plus fraternel pour nos communautés et pour notre société.
Cette année, cette traversée intérieure a pris une profondeur renouvelée grâce à la présence de sœur Ana María, venue de la Province d’Espagne, pour nous accompagner à travers la pédagogie ESPERE – école du pardon et de la réconciliation. Son séjour parmi nous, du 29 août au 15 octobre 2025, a été un temps de grâce et de transformation profonde.
Chaque communauté a eu la joie d’entreprendre ce chemin de réconciliation, et toutes les sœurs de la province ont pu bénéficier de ce temps spirituel intense et fécond. Chaque fois, sœur Ana María a su instaurer un climat propice au recueillement, à la relecture, à l’écoute mutuelle et à la prière. À travers des gestes symboliques, des exercices d’intériorité et une pédagogie du cœur, nous avons été conduites à un véritable travail de vérité : reconnaître nos blessures, nommer ce qui a été tu, et accueillir la lumière qui libère et transforme.
Ce furent des jours denses et féconds, où l’approche ESPERE nous a offert des repères clairs, simples et profondément humains pour poursuivre cette démarche de réconciliation. Elle nous a aidées à regarder notre histoire avec vérité et bienveillance, à sortir des enfermements intérieurs qui nous retiennent dans le passé, à rebâtir des liens là où tout semblait brisé, et à nous laisser transformer par la puissance d’un pardon qui guérit sans effacer.
Pour donner suite à cette dynamique, un groupe de sœurs et un groupe de laïcs ont été formés à la pédagogie ESPERE. Cela permet de poursuivre le travail initié, d’ancrer cette culture du pardon et de la vérité dans nos communautés, et de l’élargir aux familles et aux relations sociales. Les fruits sont déjà visibles : des gestes de réconciliation concrets ont émergé ; les paroles circulent avec plus de liberté ; des liens se sont restaurés et les communautés retrouvent un souffle nouveau. Sœur Ana María elle-même a partagé le fruit de ce chemin. Écoutons ce qu’elle dit : « Pour ma part, ce processus m’a profondément transformée. J’ai redécouvert la force du silence, la richesse de l’écoute intérieure, et la beauté de laisser Dieu guérir ce qui semblait figé. ESPERE m’a permis de poser des actes concrets de libération intérieure. J’ai compris que pardonner, c’est choisir de ne plus laisser le passé avoir le dernier mot, mais d’entrer dans un avenir ouvert, en vérité. »
La réconciliation que nous avons vécue nous appelle à devenir, ensemble, des bâtisseuses de paix. Ce que nous avons reçu n’est pas seulement pour nous, mais pour être partagé avec le monde. Il nous revient désormais de le faire rayonner autour de nous, dans nos familles, dans nos milieux de vie, dans notre société. Nous exprimons notre profonde reconnaissance à sœur Ana María pour son accompagnement respectueux et éclairé, et à la province d’Espagne qui nous l’a envoyée. À travers elle, nous avons reçu un appel fort à devenir des femmes de paix, enracinées dans le Christ. Un nouvel élan est né. Il nous appartient maintenant de le nourrir, de l’incarner, de le transmettre. Ce chemin ne s’achève pas : il commence. Que le Seigneur bénisse ce temps de grâce, qu’Il veille sur ce processus de pardon, et qu’il fasse de nous des témoins fidèles de sa paix et de sa miséricorde.