« Tout est de Jésus‐Christ. Qui donc, mes sœurs, en dehors de celui qui nous appelait, avait la pleine conception de ce que nous devions être ? Personne… » (Mère Marie Eugénie, 2 mai 1884)
Personne… Ni Marie Eugénie en ces premiers jours de notre Assomption, ni Mère Agnès Marguerite « ouvrant une porte sur le Nouveau Monde », le 12 octobre 1919. Nous n’imaginions pas non plus, nous, les sœurs de la Province des Etats‐Unis la profondeur du chemin que Dieu avait déposé pour nous dans cette retraite du Centenaire.
Sr Véronique, Archiviste de notre Congrégation, a généreusement accepté notre invitation à animer une rencontre pour notre Corps‐Province, à Lansdale, PA. A partir de la perspective des Archives et en s’appuyant sur des outils originaux, elle a présenté durant trois journées bien remplies un regard rétrospectif sur les premières cent années de notre Province. Le moment était opportun, puisqu’il précédait notre Chapitre Provincial. Nous avons fait l’expérience d’une relecture contemplative et interactive de notre histoire. Notre ADN de Religieuses de l’Assomption.
Dans un processus similaire à celui de la création d’une tapisserie médiévale, Sr Véronique a tissé ensemble des fils de différentes couleurs et textures. Elle a tiré quelques‐uns de ces fils des Archives : en nous tournant vers les sources des origines, nous avons entendu les voix de nos sœurs qui sont venues jusqu’à nous à travers les lettres manuscrites et les documents des chapitres, les photographies et les détails anodins de la vie quotidienne. Certains fils ont été apportés par celles qui, parmi nous, faisaient partie de cette histoire. En nous invitant à entrer dans le cheminement, certains fils naissaient du travail que nous avons produit en faisant le lien entre notre passé et notre réalité présente. Le fil rouge tissé avec le motif émergeant était le cheminement d’Abraham et de Sarah. Le fait de réécouter l’histoire familière de leur grande foi et confiance alors qu’ils répondaient à l’appel vers l’inconnu, nous a donné une vision et une perspective au cœur du combat pour consolider et soutenir la vie de l’Assomption dans ce nouveau monde.
« Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. »
Nous avons découvert comment cette expérience de laisser ce qui est connu pour se lancer en eaux profondes a été vécu de manière répétée au cours des années par tant de nos sœurs. Elles ont fait l’expérience de grands contrastes culturels : d’Auteuil à Philadelphie, puis Miami, Bay Haven. Poussées par l’Esprit et répondant à leur époque, elles sont passées des cloîtres de Ravenhill à la réalité urbaine de West Philadelphia ou au paysage désertique de Chaparral… « pour nous livrer sans réserve à des desseins encore inconnus. » (Mère Marie Eugénie, 2 mai 1884).
Les surprises n’étaient pas absentes de cette relecture contemplative. Beaucoup d’entre nous ne connaissaient ni les plusieurs tentatives infructueuses de fondation aux Etats‐Unis avant Ravenhill, ni l’enchaînement des événements qui ont conduit à l’arrivée à Philadelphie. Avec un total de 15 communautés en 100 ans, notre présence s’est étendue du Québec à la Floride, du Wisconsin à la Caroline du Nord, et même à Mexico ! Regarder des photographies actuelles, écouter l’histoire spécifique de ces communautés, leurs succès et leurs échecs, a conduit à une compréhension plus nuancée de la progression de l’histoire de notre Province. Nous avons appris que Sr Isabel Eugenie n’a pas seulement fondé le programme Montessori avec les enseignants de Ravenhill, mais qu’elle a aussi fait l’effort d’offrir cette pédagogie aux enfants pauvres dans les écoles du district de Philadelphie. Dans les années 1960, Ravenhill était un centre de réflexion sur l’œcuménisme, les droits civils et le renouveau liturgique : la communauté célébrait des messes hors‐les‐murs ! Nous avons vu combien, dans les années 1970‐1980, les changements dramatiques dans l’Eglise, dans la vie religieuse et la société américaine ont eu un impact sur nos sœurs, préparant le terrain de la génération suivante.
Un des moments très touchants a été lorsque, en parlant des temps de la pré‐fondation, nous avons appris que Marie Eugénie avait voulu une fondation aux Etats‐Unis : « Nous avons longtemps désiré avoir une maison aux Etats‐Unis ». Beaucoup de sœurs étaient émues aux larmes ! Savoir que nous étions dans son cœur depuis le début semblait confirmer sa présence parmi nous maintenant.
Pour ma part, je me sens plus enracinée à l’Assomption. La dimension contemplative de notre liturgieretraite, les gestes symboliques et les moments de silence m’ont permis de réfléchir et d’intégrer ce que je recevais. Les possibilités de partage m’ont aidée à articuler mon expérience et d’être ouverte aux expériences de mes sœurs, celles du passé et celles du présent. Il y a une connexion tangible. Je réalise qu’à travers les récits de cette histoire, j’ai été tissée moi‐même comme un fil de cette tapisserie inachevée… Un travail inachevé, « se déployant dans l’inconnu ».
« Celle qui ne sait pas se retourner pour voir là où elle était, ne peut pas arriver là où elle veut aller. »
L’image qui émerge de cette tapisserie vivante révèle bien davantage que la simple somme du passé et du présent. En connaissant notre passé, nous nous sommes enracinées davantage dans notre identité d’aujourd’hui. En comprenant d’où nous venons et en étant complètement présentes à l’aujourd’hui, nous pouvons aller avec audace vers le futur.
US Province: Centennial Retreat August 4, 5, 6, 2019 Sr. Catherine Anne Soley, R.A.