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Province de France: Être sous tutelle et agir en réseau

P eventmercredi 3 juillet 2024

« Être sous tutelle » et « agir en réseau » pourraient presqu’être antinomiques dans un langage courant. Dans les mots de l’enseignement catholique, ces deux actions se conjuguent et font mouvement ensemble. Avec les Religieuses de l’Assomption, nous sommes une tutelle congréganiste. 

’école catholique reçoit sa mission de l’Eglise, qui est à l’origine de la fondation de Sainte Marie-Eugénie. Dans le même temps, nous formons un réseau d’établissements scolaires, répartis sur tout le territoire français, de Bondy à Montpellier du Nord au Sud, de Bordeaux à Saint-Gervais Mont-Blanc d’Ouest en Est. Prenons le temps de bien déchiffrer les mots pour comprendre ensuite la dynamique des structures en place.

 C’est vrai, le mot « tutelle » n’a rien de bien reluisant, surtout si nous le résumons aux moyens de contrôle dont on dispose pour surveiller. Encore moins celui de « réseau », si l’on pense aux organisations clandestines d’espionnage qui occupent tant les écrans du 7e Art !

Attachons-nous alors au Statut de l’Enseignement Catholique de 2013 qui donne quelques éléments de compréhension plus encourageants. « La tutelle est au service de la croissance des personnes et des établissements, qu’elle appelle à une liberté créative dans la fidélité à la mission reçue. » (art. 181) « Elle encourage la vitalité de la communauté éducative en prêtant attention au climat relationnel de l’établissement, à ses capacités d’innovation pédagogique, éducative et pastorale, à la participation de tous à la mise en œuvre du projet éducatif. » (art. 182) « La tutelle veille à ce que les projets éducatifs soient explicitement fondés sur l’Evangile et vécus selon son esprit ; elle s’assure que la mission éducative de l’établissement d’enseignement soit conduite dans l’excellence pédagogique et scientifique, dans la recherche du dialogue entre foi, raison et culture, et que les attitudes et les relations des personnes dans la communauté éducative s’inspirent de l’éthique évangélique. » (art. 183) « En accompagnant la croissance et le développement des écoles catholiques, la tutelle veille à ce qu’elles répondent aux attentes éducatives de la société, sur un territoire social et culturel déterminé. » (art. 184) « La tutelle contribue aussi à ce que chaque école catholique participe à une œuvre commune qui la dépasse et qui la relie aux établissements des réseaux auxquels elle appartient. » (art. 185)

Nous voilà rassurés ! La tutelle garantit l’école catholique, pendant que le réseau en est sa mise en œuvre. La tutelle est garante, au sens où elle prend soin, elle veille sur (et non sur-veille) les personnes, le projet, les relations, la qualité, etc. Le moyen pour y parvenir en est le réseau, sa force, sa confiance, son unité. Le réseau permet de passer du « je » au « nous », d’un établissement scolaire à un ensemble d’écoles, qui forme unité grâce au projet qui les réunit. Le réseau rend le projet lisible, visible et crédible. Pour les Religieuses de l’Assomption, il s’agit du Projet Apostolique et Educatif (PAEA) qui se décline en 10 points (www.assomption-france.org).

 Ainsi, la tutelle existe antérieurement à l’établissement scolaire. On peut être « sous » tutelle, « contre », « avec » la tutelle, peu importe, elle impose sa garantie. Néanmoins, si la tutelle préexiste, le réseau ne s’impose pas de lui-même, il se construit. Le réseau n’a pas d’antécédent, il fait sens et permet le projet. Par exemple, c’est en 1990 que Sœur Thérèse-Agnès et Robert Brun ont l’intuition du réseau : « Réaliser qu’ensemble, laïcs et religieuses, embarqués dans l’Assomption, répartis sur le territoire français, nous sommes un signe, une force et une formidable espérance. Témoigner, par notre association et notre partenariat, mis au service de l’éducation des jeunes, d’une manière nouvelle de faire Eglise. » C’est en quelque sorte la pose de la première pierre.

Aujourd’hui, le réseau Assomption France, c’est 14 établissements scolaires, environ 16 000 jeunes depuis la maternelle jusqu’au post-bac. Le service de tutelle, c’est un délégué et 3 personnes qui ensemble couvre les compétences de la pastorale, de la gestion et de la formation. Comme écrit dans le PAEA, il convient toujours de « privilégier la dimension communautaire dans toutes les actions éducatives : travailler en équipe, être attentif à ce que chacun peut apporter, apprendre des autres. » C’est ensemble que nous accompagnons les établissements, que nous pouvons prendre soin des chefs d’établissements, de leurs équipes, et que nous travaillons à l’actualisation du charisme donné par Sainte Marie-Eugénie. Une tutelle et sa mise en œuvre en réseau, c’est comme un respect, une vigilance, une attention particulière, offerts à chacun de nos établissements, pour qu’ils soient sans cesse en mission.

Pour cela, plusieurs instances aident la tutelle au quotidien. Au-delà des réunions des chefs d’établissement ou des séminaires, qui réunissent les directeurs des 1er et 2nd degrés et permettent une mise en œuvre de notre projet de réseau 2019-2025, il existe aussi l’Association Immobilière Assomption (AIA). Elle rassemble toutes les propriétés des établissements, permettant d’importants investissements et une solidarité du réseau. C’est un lieu d’expertise et de soutien logistique essentiel, surtout quand il s’agit de mettre en œuvre le dispositif Ad’AP (Agenda d’Accessibilité Programmée) ou des constructions nouvelles. Dans un autre domaine, nous pouvons compter sur l’Association Assomption France - Animation et Formation. Voici l’expression originale dont « l’Assomption entend partager l’esprit de son Projet Apostolique et Educatif avec les personnes qui travaillent et exercent des responsabilités dans les établissements. Les moyens seront les échanges, les rencontres, la formation et toute action tendant à rendre visible et compréhensible la réalité de ce projet au service des jeunes, de l’enseignement catholique et de l’Eglise », comme le précise le préambule des Statuts. Ainsi, elle rassemble tous les membres de nos communautés éducatives, personnels, professeurs, chefs d’établissement, présidents d’association de gestion, parents et anciens. Il s’agit là de promouvoir les valeurs de l'Evangile, la foi et l’amour de la vérité, qui ont inspiré à Sainte Marie-Eugénie sa vision de l’homme, de la société et du monde. C’est aussi une façon de vivre le partenariat laïcs-religieuses à l’Assomption, en conduisant des actions d’animation pour l’ensemble du réseau, adultes et jeunes. Enfin et non des moindres, l’association héberge le centre de formation Assomption. Aujourd’hui certifié Qualiopi, il développe plus d’une cinquantaine de formations par an pour les professeurs, personnels, parents et administrateurs ; il est ouvert à tous et aux autres réseaux d’enseignement. En outre, il produit et diffuse des publications, à travers ses groupes de recherche thématique.

Toujours dans une intuition de fondation, la création du centre de formation Assomption a suivi de quelques années celle du réseau des établissements. La formation n’est pas superfétatoire ! Elle est même essentielle à la vie du réseau et contribue à faire unité. En effet, elle permet que les acteurs du réseau se rencontrent, partagent des expériences, se donnent des exemples. On s’accorde tous à le dire, la formation permet de transmettre et de faire vivre le charisme, tout en donnant des outils. Sur le long terme, c’est un instrument de transformation des personnes, de création et de progrès.

 Comme l’écrit Sœur Martine Tapsoba, Religieuse de l’Assomption, lors de l’ouverture de la Rencontre Internationale d’Education de 2018 à Manille : « La tâche éducative est si importante et exigeante, qu’elle implique un renouvellement constant, pour que ne faiblisse ni ne s’éteigne le feu qui brûle en nous. Laissons-nous donc conforter par les merveilles dont nous avons été témoins, et plus encore par les convictions et les intuitions qui sont nées ou qui ont été confirmées par le travail et les partages entre nous. Nous aurons toujours besoin de cultiver la patience du semeur, la perspicacité des artistes, la créativité des poètes, la précision des techniciens, la fraîcheur des débutants… pour préserver la recherche du meilleur pour tous. » Etre là, à côté, témoins des petits commencements, humbles et audacieux, qui nourrissent l’espérance et l’amour dans notre mission d’éducation, en un engagement qui nous prenne corps, cœur et âme, à travers le quotidien… c’est bien cela « Etre sous tutelle » et « Agir en réseau ».

 

Anthony Odin

Avec Sœur Anne-Flore Chocarne, Sabine Claudio et Philippe Gimanzane